vendredi 28 septembre 2007

• La vacuité vivante - Vimala Takhar

La vacuité vivante

Vimala Thakar


A travers la lointaine vallée
bâillait le clair ciel bleu.
Au pied de l'herbe veloutée
jouait la douce brise.
Dans leur riche plénitude, les arbres d'un vert sombre
méditaient profondément.
Au-delà du sommet de la montagne, le soleil pâle et fatigué
hésitait à se retirer.

Pétillant de malice, mon esprit
me faisait signe.
Esquissant une révérence gracieuse, il commença
un jeu avec moi.
D'abord il se dépouilla des grandes robes
du savoir.
Puis il jeta loin de lui le beau collier
des émotions.

Il arracha violemment tous les goûts
et tous les dégoûts.
Il piétina race, religion
et caste.
Rapidement, d'une secousse, il disloqua
l'orgueilleux souvenir du passé.
L'esprit s'était dénudé
complétement.

Il tremblait comme une feuille.
Je ne savais que faire.
Singulièrement, l'esprit s'effaça
Et là se dressa majestueusement
en sa pure nudité.
La reine de terrible beauté.
La reine d'impossible beauté.
La totale vacuité vivante.

jeudi 27 septembre 2007

• Ce nectar de l'enseignement - Lama Guendun Rinpoché

Poèmes/Instructions


Lama Guendun Rinpoché


Par l'esprit
L'esprit ne peut être cherché
L'esprit n'existe pas
L'essence est vide
Vide et inobstruée
Qui tout éclaire
Sois ce grand méditant
Qui médite
Sans méditer
Sans distraction
Dans la grande Béatitude
Où Clarté et Vide
Ne sont pas deux

≈≈≈≈≈

Ce Nectar de l'Enseignement des Pères Lamas de la Transmission Orales,
Retiens-le dès maintenant dans ton coeur.
Écoute le Lama qui possède l'expérience subtile et définitive de la méditation.
Parfais la grande énergie de la méditation qui d'elle-même se pose,
transcendant l'intellection et les élaborations artificielles.
Dans la grande assurance de la pureté primordiale,
la vue de la base du samsara et du nirvana, indifférenciés,
sans faire une méditation, sans créer un comportement,
dans la grande fécondité de la conduite spontanée,
dans l'identité ultime de l'abandon et de l'obtention,
le but est libéré et mûri dans l'Éveil véritable, le Dharmakaya.
Ce sens, dépose-le ainsi dans ton coeur et mets-le en pratique !

• Conseils aux méditants - Lama Guendun Rinpoché

Conseils aux méditants

Lama Guendun Rinpoché


Extérieur, intérieur
Le réceptacle, son contenu
Tous les phénomènes : ta propre apparence
Apparence-esprit
Apparaissant, néanmoins vide
Vide, cependant manifeste
Apparence, esprit : indifférenciés
Semblable à l'illusion, au rêve
Rien n'étant, pourtant capable d'apparaître
Telle la lune sur l'eau
Sachant cela
Dénoué de ta vielle manie
Qui tout saisit et pétrifie
Ouvre-toi à l'état spontané
Non altéré
En la fraîche Essence qui
D'elle même est Connaissance
Hormis cela
Rien qui ne soit à penser, à méditer
Sans penser, sans agir, sans méditer
Sans t'agiter
Simplement
Laisse être
Laisse reposer
Et ainsi
S'il te plaît
Médite


PETIT CHANT DU COEUR PARFAITEMENT PUR, ÉCHAPPÉ DE MA BOUCHE

Transcendant toute saisie, tout saisi, est la Vue Royale
Sans agir, sans méditation, sans distraction est la Méditation Royale
Ni effort, ni abandon, ni adoption est l'Action Royale
En l'au-delà de tout espoir, de toute peur, le Fruit devient manifeste
Transcendant tout point de référence, sans esprit, la Nature de l'Esprit luit
Ne parcourant ni Terres ni Chemins, le fil de la Voie est tenu
Méditant sans objet de méditation, l'Insurpassable Bouddha est obtenu

mercredi 26 septembre 2007

• L'état naturel de non-distraction

L'état naturel de non-distraction : tout en ne méditant pas, demeurer non distrait !

Padmasambhava : la présence spontanée !


Il y avait un yogi Dzogchen qui vivait sans ostentation, entouré cependant de nombreux disciples.

Un certain moine, qui avait une très haute idée de son savoir et de son érudition, était jaloux du yogi qu'il savait être peu cultivé. Il pensait :

« Comment lui, un simple être ordinaire, ose-t-il enseigner ? Comment peut-il avoir la prétention d'être un maître ? Je vais mettre son savoir à l'épreuve, dévoiler son imposture et l'humilier devant ses disciples ; alors ils le quitteront, et c'est moi qu'ils suivront. »

Il alla donc rendre visite au yogi et lui dit d'un ton méprisant :

« Vous autres, gens du Dzogchen, que savez-vous faire à part méditer ? »

La réponse du yogi le prit complètement par surprise

« Sur quoi pourrait-on bien méditer ?
- Alors, vous ne méditez même pas ? brailla l'érudit, triomphant.
- Mais, suis-je jamais distrait ? » demanda le yogi.


in Le Livre tibétain de la vie et de la mort, Sogyal Rinpoché - Éditions Livre de Poche

• Le bonheur sans effort - Lama Guendune Rinpoche


LE BONHEUR

Le bonheur ne se trouve pas
avec beaucoup d'effort et de volonté
mais réside là, tout près,
dans la détente et l'abandon.
Ne t'inquiète pas, il n'y a rien à faire.
Tout ce qui s'élève dans l'esprit
n'a aucune importance
parce qu'il n'a aucune réalité.
Ne t'y attache pas.
Ne te juge pas.
Laisse le jeu se faire tout seul,
s'élever et retomber, sans rien changer,
et tout s'évanouit et recommence à nouveau, sans cesse.
Seule cette recherche du bonheur nous empêche de le voir.
C'est comme un arc-en-ciel
qu'on poursuit, sans jamais le rattraper
Parce qu'il n'existe pas, qu'il a toujours été là
et t'accompagne à chaque instant.
Ne crois pas à la réalité des expériences bonnes ou mauvaises,
elles sont comme des arcs-en-ciel.
A vouloir l'insaisissable, on s'épuise en vain.
Dès lors qu'on relâche cette saisie,
l'espace est là, ouvert, hospitalier et confortable.
Alors profites-en. Tout est à toi, déjà. Ne cherches plus.
Ne va pas chercher dans la jungle inextricable l'éléphant
qui est tranquillement à la maison.
Rien à faire
Rien à forcer
Rien à vouloir,
Et tout s'accomplit spontanément...


CONSEILS AU MEDITANT

Laisse cet esprit qui est le tien,
dans un état détendu, non-artificiel.
En cet état, voyant la pensée et son mouvement,
reste dessus, détendu.
En cet état, va poindre la stabilité.
Pas d'attachement à la stabilité,
Pas de peur du mouvement.
Connaissant qu'il n'est pas de différence
entre stabilité et mouvement,
l'esprit s'élevant de l'esprit.
En cet état, sans saisie, sans attachement,
repose, détendu, tel quel.
En cet état, la réalité en elle-même,
l'essence de ton propre esprit,
sagesse, vacuité radieuse,
va s'élever,
et tu n'auras pas de mots...
En cet état, un calme naturel viendra ;
sans tenir la stabilité pour quelque chose,
tel quel, naturel et libre ;
sans saisir ni rejeter les productions mentales,
s'il te plaît, reste... LÀ.

Guendune Rinpoche

• La Réalité semblable à un vaste océan - Roger Godel

« Il n'y a pas d'autre science, au sens vrai du terme, que la science de l'amour »

Roger Godel
Les années passèrent et je fus pris au piège de conflits affectifs particulièrement douloureux et complexes. J'avais en mains, théoriquement, tous les éléments capables de les résoudre. Seule, la présence d'un ami compréhensif pouvait m'aider dans cette période cruciale.

Je me confiai donc à Roger Godel.
Cet entretien fut inoubliable. Avec une compréhension et une tendresse véritablement paternelles — pour moi totalement inconnues — il me déclara :

« Cher ami, je ne puis vous dire combien je suis ému de la confiance que vous me faites de me livrer aussi spontanément, aussi totalement vos difficultés intérieures. » Après un long silence, tenant compte de mes dispositions profondes, il me dit ce qui suit :

« La Réalité est semblable à un vaste océan perpétuellement en mouvement. A la surface des eaux apparaissent des milliards de vaguelettes évanescentes. Leur déferlement produit une écume formée d'innombrables petites bulles apparaissant et disparaissant d'instant en instant. Vous et moi, les êtres que vous avez introduits dans vos conflits affectifs, sont un peu semblables à ces bulles évanescentes. Si vous restez au niveau des interférences, des images, des identifications, des singularités provisoires inhérentes aux bulles, vous vous enfoncez dans des conditionnements, dans des douleurs sans fin. Votre être vrai dans ma comparaison, c'est l'eau, l'eau totale, l'Océan. Tâchez de vous pénétrer de cette vision océanique des êtres et des choses. Par ceci vous ne niez pas les singularités provisoires mais vous les situez à leur juste place. Alors vous pourrez être libre d'elles. »

Robert Linssen

mardi 25 septembre 2007

• Antique Invocation du Brahman

Sources

Antique Invocation du Brahman


Les anciens instructeurs indiens des Upanishads terminaient leurs entretiens par une invocation rappelant l'unité et la priorité du Brahman comme essence suprême des êtres et des choses.


« Il n'y a pas ici plusieurs oreilles qui écoutent malgré qu'en « surface » nous soyons plusieurs... car « en profondeur » au-delà de ces paires d'oreilles multiples, au niveau de la Pure Essence, il n'y a qu'une seule et même Présence, un seul Brahman qui, par ces oreilles multiples, écoute !

» Il n'y a pas ici plusieurs paires d'yeux qui regardent, mal­gré qu'en surface plusieurs paires d'yeux sont perceptibles..., au-delà de ces paires d'yeux multiples, au niveau de la Pure Essence, il n'y a qu'une seule et même Présence de Pure lumiè­re et d'Amour, un seul Brahman qui, par ces yeux multiples, regarde ! »

Tat tvam asi !

Tu es CELA !

• Rencontre avec l’absolu - Ajja

Sources
Rencontre avec l’absolu

Ajja

Ajja ou « grand père », comme il est tendrement appelé par tous ceux qui le connaissent, est un exemple vivant de l’extraordinaire héritage spirituel de l’Inde, et son histoire personnelle est aussi étrange et mystérieuse qu’elle est miraculeuse. Né en 1916, Ramachandra était un riche propriétaire fermier qui, tout en n’exprimant aucun intérêt particulier pour les questions spirituelles, avait la réputation d’être naturellement doué d’une inhabituelle pureté de cœur et d’une rare simplicité d’être. Un jour, à l’âge de trente six ans, sans aucune raison apparente, Ramachandra fut frappé d’une terrible douleur dans le cœur, qui se répandit progressivement dans tout son corps. Durant six mois, il supporta ce qu’il décrit comme une douleur physique atroce, et pendant tout ce temps sa famille essaya désespérément de découvrir ce qui le faisait tant souffrir. Leurs efforts s’avérèrent infructueux, car personne ne pouvait trouver la cause de son tourment. Puis, aussi soudainement qu’elle était apparue, la douleur disparut, sans laisser de trace. Alors qu’auparavant il n’était pas homme à réfléchir en profondeur, cette expérience provoqua chez lui une intense investigation qui dura, m’at-on dit, plusieurs mois. « Quelle est cette douleur qui a torturé mon corps ? » se demanda-t-il. « Qu’est ce que la servitude ? Qu’est ce que la libération ? » Grâce à sa simplicité et à la pureté de son esprit, il fut capable d’aller jusqu’à la racine profonde de ces questions en un instant. Ce qu’il découvrit dans son investigation est que toute douleur est servitude, et que la cause profonde de toute servitude est le karma. Il réalisa que le karma est créé par l’esprit, l’esprit étant toutes les pensées qui sont obnubilées par le petit soi. Lors de la dernière nuit de son investigation intérieure, il se demanda : « Quelle est la racine des biens terrestres ? de l’argent ? » L’argent, conclut-il, est la chose la plus importante dans ce monde, et toutes les peurs, les insécurités prennent leurs racines dans l’attachement à cela.

A cet instant, il eut une vision puissante, à la fois glorieuse et terrifiante. Devant lui apparut une femme extrêmement belle dont le corps entier était rouge, et il vit, avec horreur, que du sang coulait à flots de sa bouche. Il la reconnut comme étant la mort incarnée. Puis, alors qu’il la contemplait un long moment, il eut une puissante révélation. Il réalisa que la possession est la racine de l’argent. Et que la possession c’est la mort. Alors, la figure féminine s’évanouit, une porte apparut, et à ce moment une investigation ultime se déclencha en lui. « Qui suis-je ? » se demandat-il. La porte s’ouvrit alors, et il quitta son corps par le sommet de sa tête. Des « entités divines » l’accueillirent et le guidèrent plus loin vers ce qu’il appela le « troisième niveau ». Pendant tout ce processus, qui se déroula au milieu de la nuit, il était allongé sur le sol de sa chambre, en toute apparence mort physiquement. Pendant ce temps, Ishmael, un fermier musulman, destiné à devenir plus tard son plus proche disciple, était assis à ses côtés surveillant son corps, m’a-t-on dit, sur les ordres de l’inconnu. Puis, une boule de lumière apparut, plana près de sa forme inerte – puis y entra. Dès que la lumière pénétra dans le corps d’Ajja, il ouvrit les yeux. Les premiers mots qu’il prononça furent : « Celui qui était ici est parti – quelqu’un d’autre est venu. » Il poursuivit : « Je ne suis pas le corps, je n’ai pas de mère, je n’ai pas de père. Je suis cette clarté. »

Pendant les trois mois suivants, Ajja resta assis tranquillement chez lui tandis qu’un profond silence intérieur grandissait en intensité. Alors que son esprit s’ajustait progressivement à sa nouvelle condition, il devint si sensible que même le son le plus léger lui était complètement insupportable.

A la fin de cette période, il sortit de chez lui, totalement transformé. Tel un homme complètement ivre, il errait nu, parfois dansant et chantant sous la pluie pendant des heures, parfois regardant fixement et sans fin le soleil. Il dormait sur les rochers et sous les arbres. Sa famille pensa qu’il était devenu fou et finit par l’enfermer dans un asile. Quand les docteurs lui demandèrent son nom, il répondit « Je n’ai pas de nom». Quand ils lui demandèrent où il vivait, il répondit « Partout ». Au bout de deux mois, les docteurs conclurent qu’il n’était pas fou et le renvoyèrent chez lui.

Il passa les vingt années suivantes à être un avadhuta [celui qui est délivré de tout soucis] itinérant, semblant presque toujours inconscient du monde alentour tant il était immergé dans la conscience du SOI. Ishmael, devenu son compagnon permanent, s’occupait de ses besoins essentiels. Puis, en 1961, alors qu’il était à Rishikesh, dans le nord-est de l’Inde, il entendit une voix l’appeler : « Viens à moi. Toi viens à moi. Je suis ici à Ganeshpuri. » Répondant immédiatement, il se rendit à Ganeshpuri et vit le légendaire Swami Nitiyananda, avec lequel il eut un entretien de cinq minutes seulement. Aucun mot ne fut prononcé alors qu’ils se regardaient fixement dans les yeux. Cette rencontre permit à Ajja de « revenir sur terre » et, peu après, il recommença à porter des vêtements et à parler à nouveau.

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• L'éveillé impertinent - U. G. Krishnamurti

Sources
U. G. l'éveillé impertinent

Entretien de Joël Labruyère avec Charles Antoni


En apprenant le décès d'U.G et la manière dont il s'était abandonné dans la dernière étape de son « histoire personnelle », je me remémorai les instants passés en sa compagnie, il y a quelques années de cela, où déjà j'avais pressenti qu'il mettrait en application sa manière de penser à ce sujet, lorsqu'il m'avait dit : « Si je tombais malade, alors je me coucherais tel un chien près d'un arbre, je geindrais et puis, ciao, me laisserais aller sans faire d'histoires ». U.G fut à la fois un être des plus simples et des plus étonnants qu'il m'ait été donné de rencontrer. La clef de sa vie pourrait se résumer dans cette phrase : « Au milieu des épines… je marche ».

Charles Antoni


Joël Labruyère : Originaire de l'Inde, U. G. Krishnamurti - à ne pas confondre avec l'autre Krishnamurti, mondialement célèbre - est assez peu connu. Gopala ne veut pas être importuné, et vous êtes le dernier à l'avoir rencontré pour lui soutirer quelques confidences. Peut-on dire de ce personnage qu'il est une sorte d'anti-gourou ?

Charles Antoni : U.G. est un personnage au-delà de toutes les normes. C'est un anti-tout. Il vient de Madras où il fut élevé dans le cadre de la Société Théosophique. Ses parents, qui lui prédisaient un destin particulier, l'avaient mis dans une école théosophique pour qu'il bénéficie d'un environnement privilégié. Il a suivi l'évolution de Krishnamurti, l'enfant chéri des théosophes, élevé pour devenir le messie du vingtième siècle, mais qui leur a cassé la baraque en rejetant toute autorité spirituelle. Cela lui a sans doute montré la voie. U.G. a poursuivi sa recherche en rencontrant d'autres maîtres tel Ramana Maharshi, mais je crois que Krishnamurti l'a beaucoup influencé. Après la rupture de Krishnamurti avec la sphère des « maîtres », U.G. a conclu que tout cela n'était qu'un fatras.

J. L. : Krishnamurti a dit : « J'ai pulvérisé le rocher sur lequel j'ai grandi », et « il n'y a pas de chemin qui conduise à la vérité. » UG ne veut-il pas là en rajouter une couche ?

C. A. : Oui, dans la foulée, on peut dire qu'U.G. a voulu pulvériser Krishnamurti également, du moins en paroles. U.G. pense que Krishnamurti s'est malgré tout cantonné dans une position d'autorité, tout en rejetant toutes les autorités. Quant à lui, U.G. rejette radicalement toutes les spiritualités. Il pense que cela ne mène nulle part. Il rejette également le matérialisme, ce qui signifie qu'il ne reste pas grand chose. C'est pourquoi U.G. peut être dangereux pour des personnes qui n'ont pas assez navigué à travers les doctrines spirituelles. Tout à coup, on ne sait plus à quel saint se vouer. Si tout est bidon, où sont les bornes pour se tenir debout ? Par contre, l'expérience d'U.G est instructive pour un chercheur qui s'est cassé la figure sur les peaux de bananes du supermarché spiritualiste.

J. L. : Quelle est l'idée dominante qui ressort de la démarche d'U.G. ?

C. A. : Il dit qu'on a très peu de chance d'arriver à quelque chose. Son idée, c'est de retrouver l'état naturel, ce que nous sommes tout simplement. Il ne s'agit pas de retourner à l'état animal, mais de ne prendre en compte que les besoins naturels. Il faut revenir à l'état naturel, sans la complication du mental. Pour U.G., le mental est en trop. Cela ne nous empêche pas de savoir ce qu'est un feu rouge, mais la connaissance utile s'arrête là. Je pense que dans le fond, il nie l'évolution humaine en prenant pour exemple l'état lamentable du monde. S'il y a une certaine évolution technologique, on voit bien par ailleurs qu'il se crée des foyers de guerre partout. L'évolution humaine est rudimentaire. Elle n'est faite que de bonnes intentions. U.G. prend l'exemple de l'Inde. Voilà une grande civilisation spirituelle où l'on crève de faim en invoquant le ciel. Il y a quand même un problème.

J. L. : Non seulement U.G. conteste la tradition spirituelle, mais il considère les grands initiés comme des imposteurs. Il parle du Bouddha comme d'un charlatan qui aurait fait plonger l'humanité dans des conditions encore pires. Comment expliquer ce point de vue extrémiste ?

C. A. : Je crois qu'il s'agit de provocation. Si U.G. avait connu personnellement le Bouddha, il l'aurait sans doute apprécié. Sa provocation est dirigée contre ceux qui ont transformé le message originel. C'est contre les intermédiaires que U.G. s'érige. Il dénonce les magouilles des intermédiaires qui fabriquent des idoles mortes avec la vie elle-même. Dans la philosophie du Chan, on dit : « Si tu rencontres le Bouddha, crache lui dessus. » Pour les initiés, cette attitude n'est pas iconoclaste. Elle est libératrice.

J. L. : U.G. ne nie pas avoir vécu un état d'illumination spécial qu'il appelle sa « calamité ». Il s'agit d'une expérience très curieuse avec apparition de phénomènes physiques et de traces mystérieuses sur le corps. On pense à une expérience tantrique. De quoi s'agit-il ?

C. A. : Il parle d'une calamité physique, mais on ne sait pas s'il s'agit d'une montée de kundalini ou d'un processus inconnu. U.G. a vécu cela comme une transformation biologique qu'on ne peut pas relier avec une expérience traditionnelle. Déjà, les Théosophes clairvoyants ne comprenaient rien au processus de transformation de Krishnamurti. Il s'agit de quelque chose qui est au-delà de l'occultisme. Cela proviendrait d'une autre dimension. Cette force ne toucherait que ceux qui veulent sortir du circuit de l'évolution planétaire.

J. L. : U.G. parle d'une renaissance de la glande du thymus comme certains adeptes de la tradition hermétiste occidentale. C'est un courant initiatique assez secret.

C. A. : Oui, le système glandulaire est d'une importance fondamentale dans la transformation intérieure. Le contrôle du fonctionnement glandulaire donne le pouvoir sur tout, et particulièrement le thymus qui est le centre de la vitalité et de l'immunité. Cette glande, située derrière le sternum, est atrophiée chez l'adulte, mais elle constitue le réservoir de vitalité chez l'enfant jusqu'à sept ans. U.G. semble connaître le processus de régénération par le thymus. A quatre vingt six ans, il a d'ailleurs l'allure d'un adolescent.

J. L. : Les adeptes de l'alchimie interne disent que le thymus peut se réveiller et produire à nouveau des hormones qui vont servir à édifier un être éternel à l'intérieur de la créature mortelle que nous sommes. Il s'agirait d'une renaissance. On pense que les cathares ont été massacrés parce qu'ils pratiquaient cette initiation.

C. A. : Dans le Christianisme, on représente le Christ avec le cœur ouvert et une lumière rayonnante au centre de la poitrine. C'est l'indication que la libération passe par le cœur, et qu'il s'agit d'un processus organique, au lieu du mysticisme dont on entoure ce symbole. Si sternum signifie « rayonnant », on comprend mieux la notion d'amour rayonnant, mais comme dit un maître japonais : « Quand j'entend parler d'amour, je frappe. » C'est pourquoi, lorsqu'il entend parler d'amour, U.G. devient acerbe, car il rejette la sentimentalité, ce qui ne l'empêche pas d'être charmant et de bonne compagnie. L'amour réel n'est pas celui qu'on voit dans la vie ordinaire. L'amour n'est pas de l'humanitarisme. C'est un état qu'on ne peut connaître qu'après un processus de renaissance, mais U.G. ne fait pas de théorie à ce sujet. Il ne dit même pas qu'il faut essayer d'y parvenir. Cela arrive par accident. Il parle d'une « calamité » qui lui est tombée dessus et qu'il supporte comme tout le reste.

J. L. : Mais si on ne peut rien faire, à quoi bon se fatiguer à chercher ?

C. A. : U.G. dit que malgré tous nos efforts, nous avons peu de chance. On ne sait pas comment et pourquoi ça nous tombe dessus. Il est fort possible que cela arrive lorsqu'on ne croit plus en rien, quand la limite de la désillusion est atteinte. Celui qui est un véritable baroudeur, et qui est parvenu au point où il a tout laissé tomber, à sans doute les dispositions requises, à condition qu'il demeure assoiffé d'absolu. On retrouve cela dans le Zen : l'illumination survient au moment où on s'y attend le moins. C'est l'idée du Chan également. U.G. insiste beaucoup sur cette transformation biologique dont les maîtres spirituels parlent peu, peut-être par prudence, ou parce qu'ils n'y ont pas accès eux-mêmes.

J. L. : On peut donc dire que U.G. n'est pas un nihiliste, mais qu'il rejette uniquement ce qui n'a aucune importance à ses yeux. U.G. ne cherche pas à transmettre sa connaissance. Il ne veut même pas en parler, alors qu'il prétend être libéré de tout souci et de la peur. Pourquoi n'en fait-il pas profiter les autres ?

C. A. : A mon avis, c'est une question de tempérament. Certains sont disposés à en parler et d'autres, non. Le caractère de U.G. c'est de prendre les choses comme elles sont sans se poser de question. Il a toujours vécu à la limite, puisqu'il a été clochard, dormant dans la rue. Il a sauté à pieds joints dans un lâcher-prise absolu. Il était prêt à se laisser mourir, et d'ailleurs, en cas de maladie, il se « couche dans un coin et attend en gémissant comme un chien. » Il affirme qu'un être vivant n'a pas à se poser de question sur la vie et la mort, ou la vie après la mort. Quelqu'un de vivant est simplement occupé à vivre.

J. L. : U.G. ne donne-t-il pas l'impression d'avoir atteint la sérénité parce que quelque chose de nouveau est programmé dans son corps, et qu'il sait qu'il est tiré d'affaire ?

C. A. : Pour lui, l'idée d'atteindre quelque chose n'existe pas car il a abandonné tous les concepts. Bien qu'il fasse preuve d'une compassion naturelle, on ne trouve chez lui aucune trace de nos bons sentiments. Il n'est pas missionné pour sauver qui que ce soit. Selon lui, celui qui prétend vouloir aider autrui démontre qu'il éprouve encore des besoins. Vouloir faire du bien ne serait qu'un besoin égocentrique. U.G. va encore plus loin, puisqu'il prétend que tout désir d'accomplir une action provient de l'attachement. Il semble avoir décroché de toutes les convenances, alors qu'il continue à vivre normalement à Londres dans une maison confortable. Personne ne sait d'où lui vient l'argent, car il ne donne pas de conférences et n'écrit pas de livres. Aujourd'hui, il refuse même les interviews, et j'ai été le dernier à l'interroger. On sait qu'il voyage, il va en Chine ou ailleurs, sans laisser d'adresse. Pourquoi voyage-t-il ? Personne ne le sait.

J. L. : Est-ce qu'en approchant ce personnage, on est tenté de l'imiter ?

C. A. : J'ai rencontré quelqu'un qui s'est débarrassé de toutes les idées que nous traînons péniblement derrière nous. Mais il n'y a rien à imiter. Lorsqu'on pige le truc, on n'a pas envie d'être comme U.G. ou n'importe qui d'autre. On est soi-même. Lui, à quatre-vingt six ans, avec son physique enfantin, donne l'impression d'une grande légèreté. Il adore cuisiner pour ses invités, mais je ne l'ai vu manger que des céréales avec du lait comme un gosse. Il ne vous accable pas de théories. C'est bien rafraîchissant.

Lire : "U.G. Pertinences Impertinentes", de Charles Antoni, Éditions Antoni-L'Originel

• Accepter ce qui est - Svâmi Prajnânpad

Sources

Maître de vie : Svâmi Prajnânpad


« Celui qui est libre du jeu de la dualité, de la dualité de l’action, devient le témoin de ce qui se passe. Il est pure conscience lucide (awarreness) devant laquelle défile le changement. A tout ce qui arrive, tout ce qui se produit, il dit « oui ». Et cette conscience du changement est absolue. Ce « oui » éternel est constant : c’est la Perfection »


Comment ai-je découvert Svâmi Prajnânpad ? Par des lettres de lecteurs qui s’étonnaient que je ne parle pas de lui, dont j’étais, disaient-ils, si proche… Cela piqua ma curiosité : je lus sa correspondance, ses entretiens… Ce fut comme si je rencontrais – mais incarnée, mais vivante – la vérité que j’avais tenté de penser.

Celui-là dit la vie comme elle est, difficile, douloureuse, inconsolable. Et c’est la seule consolation qui vaille. Un philosophe ? Bien mieux : un sage – aussi grand que ceux de l’Antiquité, tout en étant pleinement de son temps.

Né en Inde, dans une famille de brahmanes, il est l’un des premiers lecteurs orientaux de Freud, dont il adapte l’enseignement. Il invente, entre « vedânta » (qui affirme l’identité de la conscience individuelle et de la conscience universelle) et psychanalyse, un style de psychothérapie qui devient une aventure spirituelle. Rien de religieux pourtant chez lui : il ne célèbre aucun Dieu, n’impose aucun rite, ne promet aucun paradis.

La spiritualité, dit-il, n’est qu’un autre nom pour l’indépendance. Pas d’autre prière que l’attention. Pas d’autre salut que l’amour et l’action. Il m’apprend à voir la vie telle qu’elle est, et à l’accepter toute. C’est mon maître de sagesse et de lucidité.

1 - Vivre au présent

Ce qui fut n’est plus, ce qui sera n’est pas encore. « Qui crée alors le passé ou le futur ? Seulement le mental. » Nous sommes prisonniers du passé, par l’inconscient, et de l’avenir, par l’attente. « Le passé insatisfait enserre le présent dans ses griffes », et nous voue à l’espérance, donc à une nouvelle insatisfaction. L’espoir et la peur sont les plus grands ennemis de l’homme : parce qu’ils nous séparent du présent, du réel, de tout, parce qu’ils nous enferment dans l’avenir et l’ego. On ne peut y échapper qu’en se libérant du passé. Ainsi la liberté et l’éternité vont ensemble.

2 - Différence et changement

Tout est différent toujours : il n’y a pas deux grains de sable identiques, ni deux mentals semblables. C’est ce qui nous voue à la solitude : « Personne ne peut agir suivant le désir de quelqu’un d’autre ; chacun est différent et séparé. » C’est aussi ce qui nous voue au changement, qui n’est que la différence dans le temps. Deux instants successifs ne sont jamais identiques : « Tout change à chaque instant. Ce n’est qu’un courant qui s’écoule. » Il n’y a pas d’êtres ; il n’y a que du devenir. C’est ce que l’ego refuse : il voudrait « rester intact » et ne le peut ; il s’interdit de vivre, pour ne pas mourir.

3 - Le refus et l’émotion

Qu’est-ce que le mental ? Toute pensée en nous qui souhaite autre chose que le réel. C’est le contraire de la vérité. C’est « mâyâ » (« l’illusion »). Comment savoir alors si l’on est dans la vérité ou dans le mental ? Par la présence ou l’absence d’émotion. L’émotion est le critère : si je suis ému, c’est que je superpose au réel autre chose que ce qu’il est (mon désir, mon refus, mon attente), qui m’en sépare et m’enferme dans le mental. Il faut donc accepter l’émotion, pour s’en libérer.

4 - Voir, accepter, agir

Le contraire de l’illusion, c’est la vérité. Le contraire du mental, c’est voir. Ne pas penser, ne pas interpréter, ne pas juger, ne pas comparer, mais voir ce qui est comme cela est. Aucun jugement de valeur. Aucun refus. Aucune émotion (il n’y a plus que des sentiments). Accepter ce qui est. C’est la seule façon de le transformer. « Restez dans le présent : agissez, agissez, agissez ! » Et lorsque l’on n’arrive pas à accepter ce qui est ? Alors l’émotion est là, qu’il faut donc accepter. Ni refus ni dénégation. Ni espérance ni regret. Cela passe par la connaissance de soi, et par l’acceptation de soi : « Accept yourself and be happy » (« Accepte-toi et sois heureux »).

5 - Etre un avec tout

L’expérience spirituelle la plus haute est celle de l’unité. Nous ne sommes séparés de tout que par le mental – que par nous-même. La vérité, au contraire, nous unit : parce qu’elle est une, parce qu’elle est universelle, et parce qu’elle est infinie. Il ne s’agit pas de brimer l’ego, mais de l’ouvrir : devenir comme « un cercle devenu si large qu’il ne peut plus rien entourer, un cercle d’un rayon infini : une ligne droite ! ». Alors seulement le bonheur peut advenir. Il n’y a pas d’ego heureux, ni de bonheur égoïste. Il faut donc se libérer du moi, pour s’ouvrir à tout. C’est le chemin de la sagesse. C’est le chemin du bonheur. « Pour aller où ? Là où vous êtes. Tout est ici et maintenant. »

BIBLIOGRAPHIE

SVÂMI PRAJÑÂNPAD
de Daniel Roumanoff - Editions La Table ronde - Tome 1 & 2

SVÂMI PRAJÑÂNPAD - L'ART DE VOIR
Lettres de ses disciples - Editions L'Originel

PORTRAIT D'UN HOMME REMARQUABLE
de Frédérick Leboyer - Editions Criterion

SVÂMI PRAJÑÂNPAD - BIOGRAPHIE
de Daniel Roumanoff - Editions La Table ronde

ENTRETIENS AVEC SVÂMI PRAJÑÂNPAD
de Srinivasan - Editions L'Originel

SVÂMI PRAJÑÂNPAD ET LES LYINGS
de Eric Edelmann et Olivier Humbert - Editions La Table ronde�


lundi 24 septembre 2007

• Je connus la Déité de Dieu, je connus son Être - Marie de la Trinité

Sources

Je connus la Déité de Dieu, je connus son Être


Marie de la Trinité

Ce qui se passa ensuite est bien plus difficile à dire - parce que ce ne fut pas mon opération mais celle de Dieu en moi - plus divin qu’humain.
Il n’y eut, mon Père, ni parole, ni idée exprimée humainement, ni image.
Il n’y eut rien qui puisse être perçu par les sens - ni pensée qui soit l’effet d’un raisonnement quelconque, ni spéculation, ni théorie, rien de ce dont on se sert pour l’exercice naturel des facultés.

Les mots jurent avec ce que je veux essayer d’exprimer parce qu’ils sont restreints et limités (...)
Je ne sais combien de temps cela dura, ni comment il se fit autre chose - ici, je devrais me taire, car ce n’est pas moi qui peux dire cela ne vient pas de moi, mais de Dieu et c’est selon son mode à Lui... et évoquent forcément des pensées, des réalités que l’intelligence ne peut saisir qu’à sa manière humaine.

Comment vous dire, mon Père ?
Je fus comme immergée en Dieu et il me sembla qu’Il m’absorbait en sa Déité - et que, restant moi, je n’opérais cependant plus par moi même mais par Lui - je me trouvais à la fois dans une immobilité et une activité suprême (si vous voulez m’interroger sur ce que je veux signifier par là j’essaierai de répondre aussi clairement que possible). Alors, comment dire et que dire ?

Je connus la Déité de Dieu je connus son Être pas l’idée de Déité ni l’idée d’Être, mais la Déité, l’Être.

Je vis, non parce que le pouvais voir, mais parce qu’il me donnait de voir et il n’y avait pas de distance de moi qui voyais à ce que je voyais. Je crois que c’est plus exact d’exprimer ainsi plutôt que de dire que je voyais en moi et me voyais en lui.

En sa Déité et son Être je vis sa perfection, sa gloire et son ineffable béatitude, je fus plongée, roulée dans cette béatitude je reçus quelque expérience de la vie éternelle.

Je connus et je vis dans la simplicité de son Être - sa majesté - et c’est indicible et inaccessible à l’intelligence humaine.

Je ne sais pas comment je connus - que alors Dieu était en moi ? C’est lui qui opérait en moi - qui m’habilitait à sa connaissance.

Je reçus là la connaissance de la paternité divine, de Dieu et de Dieu Père.
Je vis l’âme humaine : je la vis en Dieu - comment dire ? L’idée que Dieu a de l’âme humaine - idée qui est vie en Dieu et qui est la suprême réalité de âme, réalité par laquelle est l’âme.

Je vis ce qu’est l’âme à Dieu. Je ne vis pas telle âme, la mienne ou une autre, mais l’âme - et cela s’appliquait à toute âme. Je la vis en sa perfection telle qu’elle est en l’idée de Dieu, telle qu’elle a son être en Dieu.

Je vis l’amour de Dieu pour l’âme - et son aptitude à être unie à Dieu : c’est là sa fin.

Je vis l’amour du Père pour l’âme, je l’éprouvai, j’y entrai : pas dans l’amour de l’âme pour Dieu, mais dans l’ineffable, l’inexprimable inconnaissable amour de Dieu pour l’âme.

Tout ce que j’écris là, je l’expérimentais, et c'est en l’expérimentant que je le connaissais et c’était par l’âme, par le centre de moi même, de mon être, et de ce centre cela se répandait et découlait en tout moi même.

Je vis l’ordre naturel et l’ordre surnaturel, l’ordre naturel à Dieu, l’ordre naturel au créée ordre surnaturel

Je le vis et connu l’âme en sa vie naturelle, je la vis et la connus en sa vie surnaturelle, en ses opérations naturelles et ses opérations surnaturelles Je vis tout ce qui touche à l’âme (…)

Tout je le voyais dans la lumière divine et le connaissais en cette lumière de l’être de Dieu : je voyais bien plus Dieu que ces choses… je ne voyais bien l’âme que parce que je voyais Dieu. Je vis l’âme pour Dieu (…) je vis l’œuvre d’amour de Dieu dans l’âme (…) je vis le péché et ce qu’il est dans l’âme ; ...il faut savoir ce qu’est l’âme de Dieu pour connaître ce qu’est le péché (…) je vis que Dieu se veut à lui-même d’être la béatitude de l’âme, qu’il lui donne en participation sa propre béatitude et j’entrai en cette béatitude qui est la vie éternelle.

Pour goûter à cette béatitude, il faut goûter à Dieu qui est cette béatitude : et je reçus ce don. (...) Je vis le don que Dieu veut faire de Lui-même à l’âme - dès cette terre - et qu’elle est faite pour être unie à Dieu. je gémis et je dis : « Mon Dieu qu’est-ce pour moi de connaître votre béatitude, votre Déité et votre Être si je ne puis avoir part Mon Dieu comment vous unissez-vous vous l’âme ? » je demandai et redemandait...

Ce fut minuit. Mère Saint Jean quitta son prie Dieu et vint me relever car je n’avais pas bougé, j’étais prosternée à terre, en croix.
Je ne voulais pas parler parce que c’était le silence, ni rien demander pour la perfection de l’obéissance.

Je dis : « Mon Dieu si vous voulez vous montrer encore et me répondre, permettez que je reste. »
Je regardai Mère Saint Jean, m’étant mise à genoux elle me dit tout bas : « jusqu’à minuit et demi ! »
je me prosternai de nouveau.

vendredi 21 septembre 2007

• Rigpa : l'immaculé contemplant sa propre nature - Sogyal Rinpoché

Rigpa : l'immaculé contemplant sa propre nature
Sogyal Rinpoché


Profonde et tranquille, libre de toute complexité,

Clarté lumineuse non composée,

Par-delà l'esprit conceptuel ;

Telle est la profondeur de l'esprit des Victorieux.


En elle, rien à enlever,

Nul besoin de rien ajouter.

C'est simplement l'immaculé

Contemplant sa propre nature.


Nyoshul Khen Rinpoche



Lors de l'instant intense de l'introduction, le maître peut ainsi directement communiquer sa réalisation de la nature de l'esprit - ce que nous appelons « son esprit de sagesse » - à l'esprit de l'étudiant, désormais authentiquement réceptif.
Le maître ne fait rien de moins qu'introduire l'étudiant à ce qu'est réellement le Bouddha ; il ouvre son esprit à la Présence intérieure vivante de l’éveil. Au cours de cette expérience, le Bouddha, la nature de l'esprit et l'esprit de sagesse du maître fusionnent et se révèlent un. L'étudiant reconnaît alors, dans une explosion de gratitude et sans aucun doute possible, qu’il n’y a pas, qu'il n'y a jamais eu et qu'il n'y aura jamais de séparation entre lui-même et le maître, entre l'esprit de sagesse du maître et la nature de son propre esprit.

Comment est-il possible que l'étudiant soit introduit à l'esprit de sagesse des bouddhas ? Imaginez la nature de l’esprit semblable à votre propre visage ; il ne vous quitte jamais, mais sans aide extérieure vous ne pouvez le voir. Supposez maintenant que vous n'ayez jamais vu de miroir. Soudain, on vous en tend un dans lequel vous voyez, pour la première fois, le reflet de votre visage : telle est l'introduction accomplie par le maître.
De même que votre visage, la pure conscience de Rigpa, n'est pas quelque chose de « nouveau » que vous ne possédiez pas auparavant et que le maître vous donne. Ce n'est pas non plus quelque chose que vous puissiez trouver en dehors de vous. Cette conscience a toujours été vôtre, elle a toujours été présente en vous mais, jusqu'à cet instant saisissant, vous ne l'aviez jamais vue directement.

Imaginez que vous viviez dans une maison construite au sommet d'une montagne, elle-même située au sommet du monde. Soudain, toute la structure de la maison, qui limitait votre vision, disparaît, et vous voyez tout autour de vous, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur. Seulement, il n'y a aucun « objet » à voir ; ce qui se produit est dénué de toute référence ordinaire. C'est une vision totale, intégrale, sans précédent, parfaite. C'est ce que vous ressentez au moment où Rigpa est directement révélé.

En tibétain, nous appelons Rigpa la nature essentielle de l'esprit, conscience claire primordiale, pure, originelle, à la fois intelligence, discernement, rayonnement et éveil constant.
Cette nature de l'esprit, son essence la plus profonde, n'est absolument jamais affectée par le changement ou par la mort. Pour le moment, elle demeure cachée à l'intérieur de notre propre esprit, enveloppée et obscurcie par l'agitation mentale désordonnée de nos pensées et de nos émotions.
De même que les nuages, chassés par une forte bourrasque, révèlent l'éclat du soleil et l'étendue dégagée du ciel, ainsi une inspiration, dans certaines circonstances particulières, peut-elle nous dévoiler des aperçus de la nature de l'esprit. Ces aperçus peuvent être d'intensité et de profondeur très différentes, mais de chacun émane une certaine lumière de compréhension, de sens et de liberté. En effet, la nature de l'esprit est la source même de toute compréhension.

Quand la sagesse de Rigpa rayonne, s'élève un sentiment grandissant de certitude inébranlable et naît alors la conviction que « c'est cela ».
Il ne reste plus rien à chercher, plus rien à attendre.
C'est cette certitude de la Vue qu'il vous faudra approfondir par des aperçus successifs de la nature de l'esprit, et stabiliser par la discipline constante de la méditation.

La méditation a pour but d'éveiller en nous la nature semblable au ciel de notre esprit, de nous « introduire » à ce que nous sommes réellement : notre conscience pure et immuable, sous-jacente à la totalité de la vie et de la mort.
Dans l'immobilité et le silence de la méditation, nous entrevoyons, puis réintégrons cette nature profonde et secrète que nous avons perdue de vue depuis si longtemps, au milieu de l'effervescence et de la distraction de notre esprit.

De même que votre visage, la pure conscience de Rigpa n'est pas quelque chose de « nouveau » que vous ne possédiez pas auparavant... Ce n'est pas non plus quelque chose que vous puissiez trouver en dehors de vous. Cette conscience a toujours été vôtre, elle a toujours été présente en vous mais, jusqu'à cet instant saisissant, vous ne l'aviez jamais vue directement.

A quoi ressemble la nature de l'esprit ? Imaginez un ciel, vide, spacieux, et pur depuis l'origine : telle est son essence. Imaginez un soleil, lumineux, sans voile et spontanément présent : telle est sa nature. Imaginez que ce soleil brille impartialement sur tout être et toute chose, rayonnant dans toutes les directions : telle est son énergie, manifestation de la compassion. Rien ne peut l'entraver, et elle pénètre toute chose.

Où réside précisément notre nature de bouddha ? Elle demeure dans la nature semblable au ciel de notre esprit. Totalement ouverte, libre et sans limites, elle est fondamentalement si simple que rien ne peut la compliquer, si naturelle qu'elle ne peut être corrompue ni souillée, si pure qu'elle est au-delà du concept même de pureté et d'impureté.
Comparer cette nature de l'esprit au ciel n'est, bien entendu, qu'une métaphore pour nous aider à imaginer son caractère illimité et universel ; la nature de bouddha possède en effet une qualité que n'a pas le ciel, celle de la clarté radieuse de la conscience pure.
Il est dit : « Elle est simplement notre conscience claire, parfaite, de l'instant présent, cognitive et vide, nue et éveillée. »

Qu'est-ce que la Vue ? Ce n'est ni plus ni moins que voir les choses telles qu'elles sont ; savoir que la nature véritable de l'esprit est la nature véritable de toute chose et réaliser que la nature véritable de notre esprit est la vérité absolue.
Dudjom Rinpoché disait : « La Vue est l'intelligence de la conscience claire nue au sein de laquelle tout est contenu : perceptions sensorielles et existence phénoménale, samsara et nirvana. Cette conscience claire a deux aspects : la vacuité en est l'aspect absolu, et les apparences ou les perceptions, l'aspect relatif. »

Les enseignements bouddhistes dans leur ensemble sont décrits en termes de « Base, Chemin et Fruit ».
La Base du Dzogchen est cet état fondamental, primordial - notre nature absolue, qui est déjà parfaite et toujours présente.
« Ne la cherchez pas à l'extérieur de vous, dit Patrul Rinpoché ; ne croyez pas, non plus, que vous ne la possédiez pas déjà et qu'elle doive naître maintenant dans votre esprit. »
Du point de vue de la Base, de l'absolu, notre nature est donc identique à celle des bouddhas. Il n’est pas question à ce niveau - « pas même l'épaisseur d'un cheveu », disent les maîtres - d'enseignement à suivre ou de pratique à faire.

Extraits tirés du Livre tibétain de la vie et de la mort - Éditions Livre de Poche

jeudi 20 septembre 2007

• Lettre Ouverte de Timothy Conway

- 27 Fevrier 2005 -

(extraits)


(Timothy Conway, spécialiste de la spiritualité contemporaine et disciple de Nisargadatta Maharaj explique avec de nombreux exemples le piège dans lequel un instructeur tombe si sa réalisation n'est pas stable.)

(Le traducteur a légèrement adapté sa traduction en ajoutant des notes, définitions et explications afin de faciliter la compréhension du lecteur français. Le texte n'en demeure pas moins dans sa totalité.)

Dimanche, 27 février, 2005

Je discuterai brièvement le sujet du comportement de Ramesh Balsekar, et de l'attitude de Wayne Liquorman à ce sujet, mais tout d'abord une présentation en détails :

Au sein même du rêve non-duel que la Conscience fait apparaître, qui n'est autre que Conscience, nous trouvons la "vérité relative", le monde convenu du "bien et du mal", du "juste et de l'injuste", de "l'aise/bien-être et du malaise/mal-être".

Afin de guérir les différentes formes de mal-être, de mal-heur, et d'injustices nous trouvons trois sortes de figures spirituelles authentiques :

1. Les "libérés" dont le comportement demeure conforme à la conduite traditionnelle des sages, saints ou pratiquants d'une Voie, modèles authentiques de cette libération de tout attachement et de toute aversion, c'est-à-dire des samskaras et des vasanas, notions fondamentales issues de la philosophie et la métaphysique hindou et bouddhiste. Ces Libérés sont aussi Témoins de paix, de béatitude, de compassion, de générosité, de courage, d'équanimité et de sacrifice de soi, dans l'intérêt des êtres humains sensibles apparents ; (rappelez-vous le magnifique paradoxe exposé par le Bouddha dans le Vajracchedika Sûtra : le Sûtra du Diamant : " Il faut sauver tous les êtres sensibles / il n'y a pas d'êtres sensibles ". Ces libérés exemplaires transmettent une sagesse traditionnelle en insistant sur la Transcendance et l'Immanence de l'Absolu, l'impermanence, la non-essence et le manque de fiabilité de tous les phénomènes, le réveil du rêve égocentrique, la nécessité du sérieux et de l'effort vers la Liberté ainsi que sur la Grâce Divine, les moyens d'Eveil,…

Puis nous trouvons :

2. Ces hommes et ces femmes excentriques ou saints extravagants (avadhutas, majdhubs, masts, saloi, yurodivye, idiota, yu jen, mahasiddhas, etc.) constituants le corpus de ce qui est souvent nommé " la tradition de la sagesse excentrique ". Ces êtres effectivement assez mystérieux, évoluent soit de façon spontanée, soit délibérée au-delà des conventions sociales, parfois simplement parce que la réalisation du divin leur est venue avec une force inhabituelle balayant alors les circuits des normes de fonctionnement psychologique et social. Ces excentriques qui n'affichent habituellement aucune considération pour leur propre confort, même pour les besoins élémentaires du corps (nourriture, boissons, sommeil, logement, hygiène élémentaire) sont connus pour être capables de crier, frapper, bousculer autrui, uriner en public, ne tenant absolument aucun compte des règles sociales, se permettant de "malmener" ceux qu'ils rencontrent, ayant au travers de cette "sainte insulte", un bel effet transformateur inattendu sur ces personnes. En d'autres termes, il est manifeste que tout comme avec les Libérés de la catégorie #1, un sentiment intense de bénédiction divine ou d'une transmission particulière (saktipat, kripa, baraka, wang, descente de l'Esprit saint, etc.) est expérimenté a l'instant même ou après la rencontre étrange d'un "excentrique fou" de la catégorie #2 avec pour effet une incroyable sensation de liberté, de paix, d'équanimité, de félicité, d'amour, et d'une identité non-duelle avec l'Un et tous les êtres.

J'ajouterais qu'il existe par ailleurs une troisième et authentique figure spirituelle :

3. L'Ami Noble sur la Voie, le kalyâna mitra qui tel un guide spirituel, mentor, conseiller, même s'il peut (elle ou lui) ne pas être établi à 100% dans la Liberté Spirituelle, ni être pleinement Eveillé ou constamment lucide à l'intérieur du rêve, reste cependant d'un grand secours, éclairant et donnant du pouvoir à ceux qui l'approchent. Ce Kalyâna mitra ne cherche pas à "jouer le rôle de Guru" en prétendant être pleinement éveillé, ni assume la responsabilité de guide pour le bien-être des chercheurs au cœur sincère. Elle/Il sert seulement autrui le mieux qu'il peut en partageant par le Cœur cette Sagesse, cette compassion et reconnaissance à la grâce Divine qui l'a servi jusqu'à présent sur le non-chemin sans espace vers chez lui, lieu de la présence complète et libre. Ce Kalyana mitra peut en fait, être un professeur talentueux, un guérisseur ou un catalyseur pour ses semblables et véritablement leur transmettre de merveilleuses qualités. Il peut arriver que certains chercheurs s'éveillent pleinement au contact de ce genre de guide/guérisseur qui n'est lui-même pourtant pas totalement libéré et éveillé.

En plus des figures 1 et 2, Spirituellement Pleinement Eveillées et du guide/mentor/ami spirituel pas-tout-à-fait-pleinement-réalisé, il y a une autre figure dans le rêve divin de la manifestation : le simulateur (prétendant) ou imposteur (non authentique). Ce dernier qui, « au mieux » n'est pas plus spirituellement accompli (ou libre) que l'instructeur/ami mentionné à la catégorie 3, prétend être de la catégorie 1 ou 2. En d'autres termes, s'il a eu quelques (voire de nombreux) éclairs de compréhension, de sublimation, sa lucidité défaille fréquemment pour faire place à de nombreux états égocentriques d'attachements et d'aversions envers le rêve phénoménal. Ces attachements-aversions, la contrainte du « j'aime/j'aime pas » ; ce que le Yoga-Vedanta Indien appelle : 'raga-dvesa' et le bouddhisme Theravada : 'lobha-dosa', font également partie des samskaras et des vasanas de l'individu. L'inauthentique prétendant, que son cœur soit béni, ne peut pas admettre aux autres et probablement même pas à lui-même qu'il demeure lié et sous le joug des samskaras, par conséquent qu'il ne soit pas lui-même totalement libéré. Ainsi le prétendant est obligé de rationaliser (classique mécanisme de défense freudien contre l'anxiété) son manque de liberté en justifiant son comportement comme "OK", "divinement ordonné", "appartenant à la parfaite manifestation", "comme n'étant pas vraiment un problème parce que quoiqu'il arrive, cela demeure parfait". Au lieu de chercher à faire des efforts sincères pour réaliser le manque de substance du sens de l'ego bercé d'illusions avec ses attachements-aversions, de façon à vraiment vivre à partir de la LIBERTE, le prétendant s'efforce de convaincre les autres et lui même qu'il est, en fait, libre, tout en contiuant à traîner avec lui, les chaînes des samskaras. D'une manière fallacieuse et insidieuse, les prétendants redéfinissent la liberté en lui incluant les états d'attachements (donnant par ailleurs une fausse interprétation de cette notion antique du Mahayana : nirvâna = samsara).

Ces figures sont assez nombreuses sur le marché compétitif de la "spiritualité" que ce soit en Inde, au Japon, en chine, en Europe aux USA, ect… Ces personnages ont l'habitude de se présenter comme des êtres plus évolués et plus libres qu'ils ne le sont réellement, afin de s'attirer l'attention et la reconnaissance de leurs élèves et disciples, de s'enrichir, de devenir célèbres, de s'enivrer (psychiquement gonflé) de l'exitation plus ou moins subtile que procure le pouvoir, l'influence et le confort procurés par un groupe social qui gravite autour d'eux en les flattant et se réfèrant à eux comme "autorités spirituelles".

Portons maintenant notre attention sur un phénomène très spécifique : Que se passe-t-il lorsqu'un tel prétendant, ou un tel enseignant pas-tout-à-fait-libéré (ou charlatan pas-du-tout-libéré), est démasqué en raison d'un comportement exploiteur, habituellement issu de ces bons vieux sujets que sont le "désir et l'avidité" - comportements sexuellement ou financièrement inadéquats ?

Au moment où il est exposé, le prétendant spirituel et ceux de sa cour qui s'identifient ou se réfèrent à lui ont de plus en plus de problèmes, au lieu de se référer au Dharma (spiritualité authentique). Le prétendant et ses dévoués-valets, (que la paix et la bénédiction du Divin soit avec eux !) au lieu d'agir avec un véritable courage, une vraie sincérité, et du repentir, ce qui pourrait également inclure le fait de reconnaître humblement leur propre manque de liberté ainsi que de s'excuser sincèrement du fond du cœur, et s'amender d'un geste significatif envers ceux qu'ils ont exploités, tissent encore plus leur toile samskarique de complications. Les fâcheux mécanismes de défense contre l'anxiété sont alors déployés avec empressement. Ceux-ci ne comportent pas seulement une identification passionnelle à ce qu'ils considèrent comme une juste cause (attachement samskarique majeur), mais également la rationalisation comme quoi finalement rien de très grave n'est advenu, ou encore le déni face aux blessures engendrées à autrui ou face à la gravité de la situation (cette forme de déni s'exprime le plus souvent par une attitude de défense agressive et par des types de mensonges éhontés), et bien-sur, la projection dans laquelle le prétendant et sa cour blâment les victimes et leurs sympathisants qui s'efforcent d'apporter quelques éclaircissements à la sombre situation et de remédier à l'injustice en essayant de rétablir quelques formes de justice et de tranquillisation (ceci inclut la clarification de ce que le Dharma est et de ce qui n'est pas Dharmique).

N'oublions pas que l'une des rationalisations les plus classiques que le prétendant et ses "adorateurs" exploitent constamment, tout spécialement lorsque les défauts du prétendant sont exposés au grand jour, est l'idée que "rien n'est réellement mal", et que le manque de liberté, tel qu'il se reflète dans le comportement d'exploiteur, est d'une manière ou d'une autre "parfait", "voulu par le Divin", "part du rêve Divin", et que par conséquent "il n'est pas un problème en soi". Hélas cette rationalisation est utilisée sans retenue par ces prétendants qui oeuvrent dans le champ de la mystique spirituelle non dualiste, car les traditions non duelles font fréquemment référénce de façon évidente à ce niveau absolu de la vérité : Paramartha Satya plutôt qu'au niveau phénoménal conventionnel ou relatif de la vérité : Samvritti Satya.

Il est nécessaire de souligner avec certitude qu'en fait ces prétendants sont des anarchistes, car ils essayent de détruire les bases rationnelles ou intuitives de la morale et de l'éthique. Dans ce domaine du pseudo non-dualisme, "tout est acceptable" - tout au plus pour eux-mêmes et leurs copains. Pour eux, il n'existe donc aucune normes éthiques par lesquelles il soit possible de déterminer les comportements appropriés et inappropriés.

Le lecteur doué de discernement se rappellera que le type de "saints frustes et extravagants" appartenant à cette tradition de sagesse excentrique, figure authentique de la spiritualité de la catégorie #2, ne respecte pas non plus les règles de bienséance et autres normes de l'éthique sociale. Habillés de haillons, parfois quasi ou complètement nus, pas du tout soignés, voire même crasseux, souvent anormalement silencieux ou usant de formes langagières bizarres, se maintenant dans des postures étranges ou effectuant des mouvements singuliers, ces frustes, quoique libérés, comme nous l'avons mentionné, sont connus pour maltraiter sans ambages leurs visiteurs ou ceux qui voudraient être leurs disciples (de tels saints excentriques ne laissent le plus souvent personne demeurer auprès d'eux pendant très longtemps, comme on peut le retrouver dans la relation d'apprentissage conventionnelle au sein des lignées traditionnelles entre disciples et gurus, maîtres et novices ou professeurs et étudiants). Il arrive d'entendre des histoires de gens ayant étés frappés, heurtés, injuriés, totalement ignorés, et en certaines occasions traités plutôt de manière scandaleuse par ce type de sage au caractère singulier.

Mais il y a d'énormes DIFFERENCES entre les prétendants et ces saints excentriques authentiques.

En effet, les disciples des saints "considérés comme dingues" se sentent bénis et non pas exploités après les avoir rencontrés, tout le contraire de ce que ressentent les disciples confiants et exploités par les prétendants. En bref, le disciple se retrouve "incapacité" et avec le sentiment d'avoir été exploité au profit du prétendant. Pour faire court, le prétendant fonctionne comme un vampire non comme un donateur.

Deuxièmement, les saints extravagants sont totalement détachés de tout ce qui se passe au cours du rêve de l'existence, en particulier pour tout ce qui se rapporte à leur corps, tandis que les prétendants sont généralement très soucieux d'être assurés qu'ils seront bien nourris, habillés, logés, honorés et, oui, rémunérés. Plutôt que de s'en remettre à la grâce Divine spontanée pour tout ce qui peut arriver, ces prétendants et leurs admirateurs élaborent des plans, arrangent les choses afin de s'assurer de l'obtention des résultats les plus agréables et les plus lucratifs possibles. Ils opèrent uniquement et de manière évidente au niveau mental, aucunement au niveau transcendantal/trans-personnel dans leur planification et calcul de leurs revenus et de leurs dépenses, stratégies de marketing, projets, arrangements des réunions, entrerpises d'écriture et d'édition, etc. Bien sur, certains prétendants ne sont pas si occupés par ces aspects des choses - ils ont des admirateurs bienveillants qui sont prêts à s'occuper de tout ou presque pour eux, ainsi les prétendants peuvent facilement "suivre le courant" et avoir confiance en leurs acolytes (et non en Dieu) pour s'occuper des choses, et de cette manière les prétendants paraissent sereins et "au-dessus de tout".

Par conséquent, la revendication qu'ont tels prétendants et leurs serviles adeptes à l'appartenance à la "tradition de sagesse extravagante" est une simulation. Ils ne se sont ni totalement remis à la Divine Providence et sont loin d'avoir réalisé l'abandon total. En effet, d'une manière ou une autre, ils sont toujours attachés aux résultats. Le fait est qu'ils agissent encore sous l'effet du sentiment d'être celui qui agit, étant des acteurs egocentriques.

J'ajouterais, que de telles personnes jouent sur les deux tableaux suivants : ils veulent être reconnus comme héritiers d'une lignée au sein d'une tradition &endash; ce qui évidemment ajoute à leur statut et à leur influence en tant qu' "autorité". Et cependant, ils ont l'audace d'ignorer et/ou de falsifier les enseignements de leur tradition au sujet de l'éthique, de la morale et de la nécessité de demeurer aussi libre que possible de tout attachement et de toute aversion de type samskariques. Et lorsque quiconque essaye de soulever le sujet des règles morales traditionnelles qui s'appliquent aussi bien aux disciples qu'aux gurus, ils affirment aussitôt ne pas être "limités par la tradition" et que "la leur est une tradition vivante qui se doit de secouer les gens de leur état hypnotique de transe" et autres âneries.

Ceci en convaincra certains parmi les plus assidus adorateurs des prétendants, mais quiconque doué de discernement verra que ces prétendants ne cherchent qu'a obtenir le meilleur de deux mondes antinomiques : une autorité fondée sur une tradition d'un côté et de l'autre, une permission anarchique donnée au "tout est acceptable" afin de pouvoir agir sous la domination des samskaras. Pour être encore plus précis, afin d'être reconnus et d'avoir de la renommée, ils exploitent le concept, l'institution sociale et la lignée qui constituent le Guru. Mais ils refusent toute responsabilité quant aux critères établis par les gurus de cette tradition qui les ont précédés et qui ont défini ce qui est ou n'est pas un maître spirituel authentique.

Par conséquent, nous avons ici une violation grave de "la publicité de la Vérité" : les prétendants se faisant passer pour des "gurus" appartenant à une "lignée" (sampradaya) à l'intérieur d'une "tradition" de l' "Advaita". Ainsi et à chaque fois qu'il leur plaît, ils s'écartent anarchiquement de ce que cette tradition valorise comme étant authentique et se conduisent comme des gredins.

Ces prétendants (que le Soi Divin les sauve du fardeau de leur karma) revendiquent une immunité particulière en se posant comme au-dessus des règles sociales élémentaires de décence, de même qu'en se mettant au-delà des conventions au sein même de leurs propres traditions sacrées et a partir desquelles ils essaient de s'ériger un statut élèvé.

• Tout ce qu’il y a, c’est la conscience - Gilles Pommet

Sources

Tout ce qu’il y a, c’est la conscience


Gilles Pommet


Qui veut savoir quoi ? Voilà le titre d’une vidéo qu’une amie m’a prêtée au printemps 1992. Stupéfié, je commande du même auteur une série d’enregistrements de questions et de réponses. Même réaction!

L’été suivant, je décide donc de participer à l’un de ses « ateliers » aux États-Unis. C’est tout le contraire de ce que j’ai connu jusqu’à présent : il n’y a aucune technique, aucun exercice, aucune pratique ni aucune initiation. Nous sommes environ 25 participants et le voyons deux fois par jour, à raison de deux heures par rencontre. Il parle, puis répond à nos questions.

À mon retour, je me procure deux de ses livres et prends tout l’automne pour en lire un. Le 15 janvier 1993, j’arrive en Inde où j’ai l’occasion de le rencontrer à sept reprises. Son nom : Ramesh Balsekar.

Originaire de l’Inde, Ramesh Balsekar est âgé de 76 ans, marié et père de deux enfants. Il a connu une carrière fructueuse en tant que président d’une importante banque en Inde. Une fois à la retraite, il fait la rencontre de Nisargadatta Maharaj, à qui il rend visite quotidiennement de 1978 à 1981. Quelque temps avant son décès, Nisargadatta reconnaît le plein Éveil de son disciple Ramesh et l’autorise alors à enseigner. Depuis ce temps, il n’a cessé de le faire, que ce soit à l’étranger ou chez lui, ouvrant sa porte à quiconque est intéressé à approfondir son enseignement.

Un sage

Aujourd’hui, Ramesh est généralement reconnu comme étant un sage. Comme le mot « sage » a plusieurs connotations, il importe de préciser le sens que j’entends lui prêter. Le sage est un être simple, spontané, vrai, humble, heureux et en paix. Plus précisément, chez le sage, il n’y a plus de « moi ».

Autrement dit, le sentiment d’être un individu et, par conséquent, séparé des autres est absent. L’impression de se sentir comme une personne distincte et d’être l’auteur de ses actes est complètement disparue. Le « moi », aussi appelé le « je » ou l’« égo », est totalement annihilé. Ainsi, chez le sage, on peut dire qu’il y a simplicité, spontanéité, authenticité, humilité, bonheur et paix, mais il n’y a personne pour prétendre posséder ces qualités.

Tout ce qu’il y a, c’est la conscience

Ce qui distingue principalement l’enseignement de Ramesh Balsekar des autres doctrines dans le domaine de la recherche spirituelle, c’est l’accent qu’il met sur l’inexistence du « moi ». Pour lui, ce « moi » qui croit être quelqu’un en particulier est une illusion. Tout ce qu’il y a, c’est la Conscience impersonnelle, répète-t-il très souvent.

Si nous acceptons ce fait, le « moi », celui-là même qui a l’impression d’être une personne, n’est rien d’autre que la Conscience impersonnelle qui s’est identifiée avec un organisme corps-esprit nommé individu. Cette conscience identifiée est ce-que-nous-paraissons-être, soit un phénomène temporel, limité, changeant et perceptible. En revanche, Ce-Que-Nous-Sommes est intemporel, illimité, immuable et imperceptible : c’est la Conscience impersonnelle.

L’individu : un organisme corps-esprit

Comme l’animal, l’être humain a la capacité de percevoir et de ressentir. Cependant, il est aussi doté d’un intellect qui lui donne la faculté de discriminer et d’interpréter ce qu’il perçoit. Ce pouvoir procure à l’être humain un sens d’individualité. En effet, celui-ci se prend pour un sujet, alors que le véritable sujet est la Conscience. Il y a donc usurpation de la subjectivité. Le pseudo sujet a l’impression que c’est lui qui perçoit et qui ressent. Il oublie qu’il est seulement un objet, un organisme corps-esprit à travers lequel le seul sujet, soit la Conscience, s’exprime. La capacité même de percevoir et de ressentir demeure une fonction de la Conscience.

Réincarnation et causalité

Selon Ramesh, la notion de réincarnation, selon laquelle un individu se réincarne d’une vie à l’autre, n’existe pas pour la simple raison qu’il n’y a pas d’individu. Cependant, la causalité (le karma) existe. Des actions ont lieu continuellement et elles sont les effets de causes précédentes. À leur tour, ces effets deviennent des causes qui produisent inévitablement d’autres effets. Pour que ces effets se consument, des actions doivent être accomplies. C’est alors que des organismes corps-esprit avec des caractéristiques spécifiques sont créés pour accomplir ces actions.

C’est ainsi que l’évolution suit son cours. Le tout est un processus impersonnel qui, comme le dit si bien Ramesh, « fait partie du fonctionnement de la Totalité ». En réalité, il n’y a personne derrière ces actions. Chaque organisme corps-esprit est le résultat d’un enchaînement de causes et d’effets produits par d’autres organismes corps-esprit qui ont vécu précédemment.

Le libre arbitre

Tous les jours, nous prenons des décisions et posons des actes. Toute parole ou action est précédée d’une pensée. Cela nous donne l’impression que c’est nous qui faisons le choix. Ce que nous oublions, c’est que toute pensée surgit spontanément et que le processus est tout à fait impersonnel.

En effet, nous n’avons aucun pouvoir sur la venue des pensées. Dans ce cas, qui peut vraiment prétendre avoir le pouvoir de choisir? Sur ce point, Ramesh est catégorique : le libre arbitre n’existe pas. Il va même plus loin en affirmant que le destin en entier d’un être nouveau est établi dès sa conception.

L’amour

Et l’amour dans tout ça? Pour la plupart d’entre nous, l’amour implique un être qui en aime un autre. Comme l’enseignement de Ramesh se base sur l’advaita (l’absence de dualité) dans sa forme la plus pure, ce dernier préfère utiliser le mot « unicité ». Selon lui, la question d’aimer ce qui nous entoure ne se pose plus lorsque nous sommes tout ce qui existe.

Il utilise aussi parfois le mot compassion étant donné que le mot « amour » est sujet à plusieurs interprétations. Lorsque le pseudo sujet s’évapore, la compréhension totale s’installe et la compassion s’exprime librement et dans toute sa plénitude.

En bref

Malgré les contraintes d’espace et mon initiation récente à cette approche, j’ai tenté de vous donner un aperçu de l’enseignement de Ramesh Balsekar.

Il n’est certes pas facile d’accepter et de digérer un tel enseignement. Chose certaine, c’est qu’il ne laisse personne indifférent. En effet, il peut être très ébranlant de remettre en question ce que nous avons toujours cru être. Mais cela évite de gonfler et de perpétuer cet ego qui, selon de nombreux sages de diverses traditions, est l’obstacle majeur à toute transformation profonde et ultime.

On peut donc accepter d’emblée ou rejeter du revers de la main cet enseignement. Mais de toute façon, que nous l’acceptions ou non, ce n’est pas vraiment notre choix. Comme le dirait Ramesh, cela fait aussi partie du fonctionnement de la Totalité…


• La manifestation de la présence de l'Esprit Saint - St Séraphim de Sarov

Sources

La manifestation de la présence de l'Esprit Saint

Entretien de St Séraphim de Sarov
avec Motovilov


- Quand même, répondis-je, je ne comprends pas encore comment je puis être vraiment sûr d'être dans l'Esprit Saint ! Comment puis-je en moi-même reconnaître Sa véritable présence ?
Petit Père Séraphim répondit : « J'ai déjà dit, votre Théophilie, que c'était fort simple et vous ai raconté d'une façon détaillée comment les hommes peuvent être en la plénitude de l'Esprit Saint et comment il faut reconnaître Son apparition en nous. Alors, petit père, que voulez-vous de plus ? ».

- Il me faut, dis-je, pouvoir le comprendre mieux encore !
Alors Père Séraphim me serra fortement les épaules et dit
- Nous sommes tous les deux en la plénitude de l'Esprit Saint ! Pourquoi ne me regardes-tu pas ?
- Je ne le puis, dis-je, petit Père car des foudres jaillissent de vos yeux. Votre face est devenue plus lumineuse que le soleil et mes yeux sont broyés de douleur !

- N'ayez pas peur, dit saint Séraphim. Vous êtes devenu aussi lumineux que moi; vous êtes aussi, à présent, en la plénitude de l'Esprit Saint Autrement, vous n'auriez pu me voir ainsi ». Et inclinant la tête vers moi, il me dit doucement à l'oreille: « Remerciez le Seigneur de nous avoir donné Sa Grâce ineffable. Vous avez vu que je n'ai même pas fait un signe de croix; seulement, dans mon coeur, en pensée, j'ai prié le Seigneur Dieu et j'ai dit: « Seigneur, rends-le digne de voir clairement avec ses yeux de chair la descente de l'Esprit Saint, comme Tu l'as fait voir à Tes serviteurs élus quand Tu daignas apparaître dans la magnificence de Ta Gloire ! ». Et voilà, petit père, Dieu exauça immédiatement l'humble prière de l'humble Séraphim ! Comment pourrions-nous ne pas Le remercier pour ce don inexprimable accordé à nous deux ?

Réalisez, petit père, que ce n'est pas toujours aux grands ermites que Dieu manifeste ainsi Sa Grâce. Telle une mère compatissante, cette Grâce de Dieu a daigné panser votre coeur douloureux par l'intercession de la Mère de Dieu elle-même.
Alors, pourquoi ne me regardez-vous pas dans les yeux ? Osez me regarder simplement et sans crainte ! DIEU EST AVEC NOUS !

Après ces mots, je regardai sa face et une peur surnaturelle encore plus grande m'envahit. Représentez-vous la face d'un homme qui vous parle au milieu d'un soleil de midi. Vous voyez les mouvements de ses lèvres, l'expression changeante de ses yeux, vous entendez sa voix, Vous sentez que quelqu'un vous serre les épaules de ses mains, mais vous n'apercevez ni ses mains, ni son corps, ni le vôtre, mais seulement cette éclatante lumière qui se propage à plusieurs mètres de distance tout autour, éclairant la surface de neige recouvrant la prairie, et la neige qui continue à nous saupoudrer, le grand Staretz et moi-même. Qui pourrait imaginer mon état d'alors !
- Que sentez-vous à présent ? demanda saint Séraphim.
- Je me sens extraordinairement bien !
- Mais... Comment cela, « bien » ? En quoi consiste ce « bien » ?
- Je ressens en mon âme un silence, une paix, tels que je ne puis l'exprimer par des paroles...

- C'est là, votre Théophilie, dit le petit Père Séraphim, cette paix même que le Seigneur désignait à Ses disciples lorsqu'Il leur disait: « Je vous donne Ma paix, non comme le monde la donne. C'est Moi Qui vous la donne. Si vous étiez de ce monde, le monde aurait aimé les siens. Je vous ai élus et le monde vous hait. Soyez donc téméraires, car J'ai vaincu le monde ! ».

C'est à ces hommes, que le monde hait, élus de Dieu, que le Seigneur donne la paix que vous ressentez à présent - « cette paix », dit l'Apôtre, « qui dépasse tout entendement ».
L'Apôtre désigne ainsi cette paix parce qu'on ne peut exprimer par aucune parole le bien-être que ressent l'âme des hommes dans le coeur desquels le Seigneur Dieu l'enracine. Le Christ Sauveur l'appelle « Sa paix », venant de Sa propre générosité et non de ce monde, parce qu'aucun bonheur terrestre provisoire ne peut donner cette paix.
Elle est donnée d'En Haut par le Seigneur Dieu Lui-même, c'est pourquoi elle se nomme: « LA PAIX DU SEIGNEUR ».

Mais que ressentez-vous en plus de la paix ? demanda saint Séraphim.

- ....une douceur extraordinaire...

- C'est cette douceur dont parlent les Saintes Écritures: « Ils boiront le breuvage de Ta maison et Tu les désaltéreras par le torrent de Ta douceur ». C'est cette douceur qui déborde dans nos coeurs et s'écoule dans toutes nos veines en un inexprimable délice. On dirait qu'elle fait fondre nos coeurs, les emplissant d'une telle béatitude qu'aucune parole ne saurait la décrire. Et que sentez-vous encore ?

- Tout mon coeur déborde d'une joie indicible.

- Quand le Saint Esprit, continua saint Séraphim, descend vers l'homme et le couvre de la plénitude de Ses dons, l'âme de l'homme se remplit d'une inexprimable joie, parce que le Saint Esprit recrée en joie tout ce qu'Il a effleuré C'est de cette même joie dont parle le Seigneur dans l'Évangile: « Quand la femme enfante, elle est dans la douleur, car son heure est arrivée. Mais, ayant mis au monde un enfant, elle ne se souvient plus de la douleur. tant la joie d'avoir enfanté est grande.. Vous aurez de la douleur dans le monde, mais quand Je vous visiterai, vos coeurs se réjouiront et votre joie ne vous sera point ravie ».

Pour autant qu'elle soit consolation, cette joie que vous ressentez à présent dans votre coeur, votre Théophilie, n'est rien en comparaison,de celle dont le Seigneur Lui-même a dit par le voix de Son Apôtre :
« La joie que Dieu réserve à ceux qui l'aiment ne peut être vue, ni entendue, ni ressentie par le coeur de l'homme dans ce monde ».
Ce ne sont que des « acomptes » de cette joie qui nous sont à présent accordés, et si déjà nous ressentons en nos coeurs douceur, jubilation et bien-être, que dire alors de cette autre joie qui nous est réservée dans le ciel à nous qui pleurons ici-bas.
Ainsi, votre Théophilie, vous aussi avez assez pleuré dans votre vie sur cette terre, et voyez par quelle joie vous console dès ici-bas le Seigneur. Maintenant, petit père, c'est à nous d'oeuvrer en accumulant les efforts, croissant de force en force pour atteindre la mesure de l'âge (maturité) dans l'accomplissement de l'oeuvre du Christ et pour que les paroles du Seigneur s'accomplissent en nous : « Ceux qui patienteront au nom du Seigneur changeront de force, obtiendront des ailes, tels des aigles, s'épancheront sans fatigue, partiront sans connaître jamais la faim, croissant de force en force, et le Dieu des dieux leur apparaîtra dans la Sion de sagesse et de visions célestes ».

C'est alors que notre joie actuelle, trop petite et éphémère, nous sera donnée en sa plénitude sans que personne puisse nous la ravir et nous remplira de jouissances célestes inexprimables.
- Que sentez-vous en plus de cela, votre Théophilie ?

- Une chaleur extraordinaire, répondis-je.

- Comment cela, chaleur ? Ne sommes-nous pas en pleine forêt, l'hiver, la neige sous nos pieds, qui nous recouvre d'une couche épaisse et continue à nous saupoudrer ? Quelle chaleur pouvez-vous ressentir ici ?

- Mais une chaleur comparable à celle d'un bain de vapeur à l'instant où son tourbillon vous enveloppe.

- Et l'odeur que vous sentez, est-elle aussi comme aux bains ?

- Oh ! que non, dis-je. Rien sur la terre ne peut se comparer à cet aromate. Quand autrefois j'aimais danser, aux réunions et aux bals, feu ma petite mère me parfumait parfois avec des parfums qu'elle achetait dans les meilleurs magasins de Kazan. Mais ces parfums ne sont rien en comparaison de ces « aromates ».

Petit Père Séraphim, alors, sourit agréablement en disant:

- Je sais, en vérité, que c'est bien ainsi et c'est exprès que je vous questionne sur ce que vous ressentez ! C'est bien vrai, votre Théophilie, rien ne peut se comparer avec le parfum que nous humons actuellement, car c'est l'aromate de l'Esprit Saint qui nous enveloppe. Quelle chose terrestre peut lui être comparée ?

Notez bien, votre Théophilie, que vous m'avez dit tout à l'heure, qu'il faisait chaud comme aux bains. Pourtant regardez, la neige qui nous recouvre ne fond point, non plus que celle qui est sous nos pieds: cette chaleur n'est donc pas dans l'air, mais à l'intérieur de nous-mêmes. C'est cette chaleur que l'Esprit Saint nous fait demander dans la prière, quand nous clamons vers Dieu : « Que Ton Saint Esprit me réchauffe ! ».

Réchauffés par cette chaleur, les ermites ne craignaient plus le froid de l'hiver, habillés comme par des pelisses chaudes dans un vêtement tissé par la Grâce de l'Esprit Saint.

Et c'est ainsi que les choses doivent être en réalité, puisque la Grâce divine doit habiter au plus profond de nous, dans notre coeur, comme l'a dit le Seigneur : « LE ROYAUME DES CIEUX EST EN VOUS ».

Et, par le « Royaume des Cieux », le Seigneur entendait la Grâce de l'Esprit Saint. C'est ce « Royaume des Cieux » qui se trouve à présent en nous, et la Grâce de l'Esprit Saint nous éclaire et nous réchauffe aussi de l'extérieur, et embaume l'air environnant de divers parfums et réjouit nos sens de célestes délices, désaltérant nos coeurs d'une inexprimable joie. Notre état actuel est celui-là même dont l'Apôtre Paul disait : « LE ROYAUME DES CIEUX N'EST POINT NOURRITURE OU BREUVAGE, MAIS LA VÉRITÉ ET LA JOIE EN L'ESPRIT SAINT ». Notre foi consiste non pas en « des paroles de la sagesse terrestre mais dans la manifestation de la Force et de l'Esprit ». Nous sommes actuellement avec vous dans cet état.

C'est de cet état précis que le Seigneur Dieu dit : « Certains ici présents ne goûteront point la mort avant d'avoir vu le Royaume des Cieux venir en « Force ».
Voilà, votre Théophilie, quelle joie incomparable le Seigneur Dieu nous accorde ! Voilà ce que signifie « être en la plénitude de l'Esprit Saint », et c'est cela qu'entend saint Macaire d'Égypte quand il écrit :
« Je fus moi-même en la plénitude de l'Esprit Saint ».

Maintenant le Seigneur nous a, nous aussi, humbles que nous sommes, remplis de cette plénitude de Son Saint Esprit.

Eh bien, votre Théophilie, il me semble à présent que vous n'allez plus m'interroger sur la façon dont se manifeste dans les hommes la présence de la Grâce de l'Esprit Saint...