mardi 18 septembre 2007

• Il n'y a rien à quoi l'on puisse renoncer - Ranjit Maharaj

Sources

Il n'y a rien à quoi l'on puisse renoncer

Sri Ranjit Maharaj

Extrait de "L'Illusion face à la Réalité"

Entretien du 5 mai 1998, Sedona, USA


Visiteur : Quand je pense à me défaire du « je », de ma personnalité, un fort sentiment de peur m'envahit. Je voudrais que vous me donniez le courage de faire face.

Maharaj : Le mental est toujours dans la peur, que faire ? Il ne veut pas disparaître. Tout est illusion, mais lui, croit que tout est réel. La chose la plus réelle pour lui, c'est le corps. Il affirme « je suis le corps », et c'est cette pensée qui vous soumet à la peur. Quand vous prenez l'avion, par exemple, vous priez pour que rien de fâcheux ne se passe ; le mental vit dans l'inquiétude permanente car il a peur de mourir. Les gens riches ont un ego très fort et leur peur est d'autant plus grande. C'est pour vous débarrasser de cette peur que vous allez voir le maître. Si vous prenez l'avion, il y a bien sûr une possibilité d'accident, mais pourquoi avoir peur ? Laissez les choses se produire et ne vous inquiétez pas. En cas d'accident, c'est le corps qui risque de mourir, pas vous. Vous êtes libre de toute peur quand vous comprenez cela. Vous vivez dans la peur alors que tout est illusion, qu'il n'y a rien. Votre peur n'est due qu'à l'ignorance, et tout ce que fait le maître, c'est de supprimer l'ignorance en vous.

Ce corps est déjà un cadavre. Il ne fonctionne que si le pouvoir est là. Mais le pouvoir électrique peut-il dire combien de temps une ampoule durera ? Certaines durent deux jours, d'autres plus longtemps, même le pouvoir ne peut pas le savoir. Il n'y a aucune garantie ! Et quand l'ampoule grille, vous pleurez tous. L'être réalisé vous conseille de la casser bien avant qu'elle ne grille. Les pleurs sont inutiles. Je vous assure qu'en ce moment même ce corps est déjà un cadavre, il ne fonctionne que parce que le pouvoir est présent. Comprenez que vous êtes ce pouvoir, vous êtes lui. Mais les gens ne veulent pas se défaire de l'ignorance. Vous angoissez à l'idée de ce qui se passera si ce corps disparaît. Comprenez que « je ne suis pas le corps ». Si vous cassez cette table, que se passera-t-il ? Rien ne se passera ! Vous recherchez toujours le bonheur à l'extérieur, mais c'est impossible. Quand vous allez dans un magasin, il y a tellement de choix que vous hésitez : que choisir, que laisser ? Vous êtes dans la confusion, où trouver le bonheur dans toutes ces choses ? Le mental a créé tellement de choses que vous ne pouvez plus vous en sortir.

Sachez que le mental est votre concept, oubliez-le. Quand vous perdez un de vos proches, ne vous dit-on pas qu'il faut l'oublier, que la vie continue. C'est pareil ici, oubliez le mental. Il a pour habitude de faire une montagne de rien du tout ! Le monde entier a émergé d'un petit rien, c'est à dire d'un seul concept, c'est ainsi ! Vous êtes devenu le mental et vous avez fait tant de choses. Dans le sommeil profond, vous devenez non-mental, n'est-ce pas ? Que reste-t-il alors ? Rien. Mais une seule pensée peut vous empêcher de dormir. Vous devez briser le mental, le déraciner : cela veut dire comprendre qui je suis, et se connaître soi-même.

(Maharaj s'adresse à la personne qui a posé la question). Pourquoi avoir peur ? Que craignez-vous ? (Elle hésite). Vous aimez le corps et cette inquiétude vous mine : que va-t-il m'arriver ? Le mental est constamment dans la peur. Laissez votre peur se dissoudre, soyez convaincu que rien n'est vrai. C'est uniquement votre mental qui donne une valeur à tout cela. Le docteur vous donne le remède, l'être réalisé vous dit « prenez ce remède : dites que rien n'est vrai, et tout ira bien ». Vous vous êtes réincarné de nombreuses fois, et tous ces corps ont disparu, mais maintenant vous devez comprendre avant de quitter ce corps ! Le premier pas, c'est de dire que vous n'êtes pas le corps, sinon vous ne pourrez pas avancer. Il faut surmonter le premier obstacle pour pouvoir continuer. L'obstacle suivant est le mental, qui cherche à s'agripper à quelque chose dès qu'il perd tout support. C'est le maître alors qui vous soutient : tout est faux, mais vous, vous êtes vrai. Vous êtes vrai et tous les supports sont faux ! N'est-ce pas cela le plus grand des supports ? Au diable tout cela ! pourquoi s'en faire ! N'ayez pas peur du mental ! Jusqu'à présent c'est lui qui tenait les rênes, mais maintenant vous devez le chevaucher et le diriger, car vous êtes le plus grand pouvoir : la réalité. Le mental fera de vous un esclave si vous ne le maîtrisez pas. Il veut toujours quelque chose, et c'est ainsi que le roi devient mendiant. Le roi a pourtant tout pouvoir mais il mendie à l'illusion pour avoir ce qu'il ne peut obtenir. Vous êtes le roi, vous avez le pouvoir mais à cause de votre attachement au corps, vous vous faites mendiant devant Dieu, devant l'illusion. La Réalité reste muette, car elle sait que le bonheur ne peut venir du corps. Le bonheur est vous-même, et cela, vous l'avez oublié, que faire ! L'eau a-t-elle soif ? L'eau doit comprendre qu'elle est l'eau, qu'elle n'a pas besoin de boire. Comprenez que je suis la racine du bonheur et que l'ego est la racine du malheur. Soyez le maître du mental et non pas son esclave. A cause de lui vous êtes devenu si petit que vous craignez même une fourmi. Vous produisez vous-même ces germes, ces petites bêtes, pour les craindre ensuite, que faire ! En fin de compte, les deux, bonheur et malheur se dissolvent, et rien ne reste pour vous. C'est la réalité finale.

La réalité est réalité, et c'est vous-même ! L'ego est une telle saleté, un non-sens, il crée tant de problèmes et de confusion dans le monde. Dites-lui : « c'est toi qui es à mon service, je ne suis pas au tien ! » ; Le maître vous donne ce pouvoir sur votre ego. C'est votre choix maintenant de le tuer ou pas. C'est à cause de vos peurs et de l'amour que vous avez pour l'illusion que vous ne le tuez pas. On vous met le marteau dans la main, mais si vous ne vous en servez pas pour assommer votre ego, à qui la faute ? Soyez assez fort pour accepter ce que le maître dit, sortez de l'illusion, et ainsi tout est bien pour vous.

Le mental est tellement égocentrique, il veut toujours le meilleur pour lui-même. Quand vous vous comprenez, vous êtes en tout, il n'y a plus qu'unité, l'égoïsme disparaît, vous pouvez alors bénir tous les êtres. Peu importe ce qui vous arrive, vous dispensez joie et bonheur autour de vous. Votre mental doit s'imprégner de cela. Laissez les problèmes venir à vous, n'ayez ni crainte ni hésitation, le maître vous dit de tout accepter avec amour et gratitude, et pas seulement les bonnes choses. L'amour, c'est d'être convaincu qu'il n'y a rien de mauvais dans le monde. Pourquoi limiter l'amour à une seule personne ? Pourquoi ne pas l'étendre à tous ? Quand vous aimez ainsi, il n'y a plus de problèmes pour vous. En amour, il ne doit pas y avoir de transaction. Dans l'unité, il n'y a pas de marchandage, la réalité est toujours impartiale, elle n'est jamais touchée. Mais vous essayez toujours de marchander pour obtenir quelque chose, le mental est un véritable mendiant, il veut toujours quelque chose. Il mérite une bonne gifle ! Pourquoi vouloir toujours plus et encore ? Vous êtes le bonheur même, vous êtes la fontaine du bonheur ! Une fontaine ordinaire ne donne que de l'eau, alors que celle-ci dispense le bonheur.

Ainsi, ne craignez jamais rien, pas même la mort. De toutes façons, votre corps est déjà un cadavre, en ce moment même ! Le mental se maintient par la peur, c'est son support. Supprimez cette béquille. Quand un cheval boîte et ne peut plus avancer, on l'achève, de même supprimez la béquille du mental, rendez-le infirme. Combien de temps faut-il pour l'oublier ? Le maître vous dit : « le monde entier va dans cette direction, viens avec moi dans l'autre direction ». Même si vous avez le sentiment de perdre quelque chose, ne cédez pas à cette crainte, car ce que vous allez gagner n'est autre que vous-même, la réalité. L'illusion ne sera jamais vraie.

Visiteur : Comment faire pour ne pas perdre la connaissance pure ? Après la compréhension, comment ne pas perdre le « je suis cela » ?

Maharaj : Vous voulez garder le « je suis cela », mais ce n'est pas la compréhension finale. Dans le « je suis cela », le « je » n'existe pas, et le « cela » non plus. En fait vous voulez être ce qui n'existe pas. Est-ce possible ? Tout d'abord, soyez le roi. Vous êtes tous devenus des mendiants, mais vous voulez quand même être reconnu comme roi. Arrêtez d'abord de mendier, et tous vous accepteront comme roi. L'étape initiale consiste à maîtriser l'illusion, et ensuite vous pourrez dispenser la compréhension à tous dans cette même illusion, gardez-vous d'y replongez! Il y a des maîtres qui, dans leur crainte de voir leurs élèves les dépasser, les ramènent dans l'illusion. Quand votre fils vous surpasse, vous en êtes fier, n'est-ce pas ? Alors pourquoi un maître devrait-il être touché ainsi ? Dévoilez tout à l'élève, et ensuite il n'appartient qu'à lui de l'accepter ou pas. Quand Dieu vous apparaît en rêve et vous dit qu'il est prêt à exaucer vos désirs, vous hésitez tant votre surprise est grande. Vous ne savez que demander, et finalement votre choix s'arrête sur des biens illusoires, sur l'argent par exemple, et tout ce non-sens. Si Dieu vous apparaît, ne pensez pas qu'il est Dieu, car vous êtes Dieu, alors pourquoi attendre quelque chose de lui ? Mais qui est capable de penser ainsi ? Vous êtes tous les esclaves du mental, vous voulez tous quelque chose qui n'est pas vrai !

Dans la mythologie, il y a l'histoire d'un démon qui se rendit dans un village et promit aux villageois de leur rendre le double de tout ce qu'ils lui donneraient. Les habitants lui apportèrent alors en hâte tout ce qu'ils possédaient dans l'espoir de recevoir deux fois plus en retour. Puis le démon s'en alla après avoir tenu parole. Mais il leur avait joué un tour, car tout ce qu'il avait donné disparut dès qu'il s'en alla, sa promesse ne durait que le temps de son séjour dans le village. C'est ainsi que les villageois ont tout perdu. C'est la même chose ici, vous courez tous après des choses illusoires, vous voulez toujours de plus en plus. Mais le plus devrait avoir une limite, n'est-ce pas ? Ce plus et ce meilleur que vous recherchez, d'où vient-il ? C'est dans la nature du mental que de désirer plus et encore, aussi ne courez pas avec lui, il vous mènera toujours sur un chemin illusoire. Quand vous vous laissez emporter par le mental, c'est vous-même que vous perdez, et c'est cela la plus grande des pertes. Si la compréhension est fortement ancrée en vous, vous ne pouvez pas vous perdre. Si vous vous perdez, c'est que votre compréhension ou celle du maître n'est pas entière.

Supprimez la moindre trace de rouille qui persisterait dans votre mental. Si votre compréhension est correcte il n'y aura plus de rouille du tout ! L'amour peut vous ramener dans l'illusion. Quand l'enfant fait une bêtise, ses parents le mettent dehors, et là, il pleure. Les parents finissent par culpabiliser et le font rentrer à nouveau. L'amour ne disparaît pas si facilement. Votre compréhension doit être solide au point qu'elle ne puisse être ébranlée par aucune pensée. Le maître vous dit de ne pas vous inquiéter pour tout cela, le monde, car ce n'est rien d'autre qu'un long rêve. Mais le mental a l'habitude de s'inquiéter de tout. Vous êtes la vérité, en tout temps et en tout lieu. Les pensées vont et viennent comme les nuages passent, mais l'hôte est toujours l'hôte. Laissez les invités aller et venir. Soyez toujours l'hôte, vous êtes toujours là. Dites bonjour et au revoir à ce qui apparaît et disparaît. Mais le mental veut retenir et accumuler, alors tout l'affecte et le tourmente.

Visiteur : J'ai une question concernant le bonheur et le malheur. Pourquoi ressentons-nous toujours que les autres sont plus heureux que nous ? N'est-ce qu'une illusion, ou devons-nous essayer d'être plus heureux ?

Maharaj : Tout cela est illusion, si vous êtes à la recherche du bonheur il y aura toujours un « mais » dans votre esprit. Le mental est le « mais ». Il veut toujours ce qu'il n'a pas, et il n'est heureux que par l'idée d'obtenir ce qu'il n'a pas. Ce qu'il a en sa possession, ne le rend pas heureux. Si vous demandez à un homme d'affaires ou à un commerçant comment vont les affaires, il vous répondra toujours évasivement « comme ci, comme ça ». Même si elles vont très bien, il vous répondra toujours ainsi. Pourquoi cela ? Parce qu'il pense que d'affirmer que tout va bien, fixera une limite, et il veut être sans limites. Il veut de plus en plus, c'est pour cela qu'il répondra toujours par un « comme ci, comme ça ». Ce n'est pas parce qu'il craint la jalousie des autres, la seule raison est son désir d'obtenir toujours plus. Le mental n'est jamais satisfait, parce que ce qu'il demande, est illusion. Il est, lui-même, illusion.

Dans notre mythologie, il y a l'histoire de Rama et Ravana. Sita, la femme de Rama, a été enlevée par Ravana. Rama dépêche alors Hanuman, son bras droit, pour tuer le ravisseur, le démon à dix têtes. Hanuman demande l'aide d'un devin afin de trouver et de vaincre Ravana : « où pointer la flèche pour le tuer ? ». Le devin lui demande alors de remplir un seau d'eau et de le porter un peu plus loin, dans un autre endroit. Hanuman ne pût jamais le remplir car le seau était percé. Quel est le sens de cette histoire ? Ravana n'est rien, c'est Rama lui-même qui est devenu Ravana. Comment tuer Ravana puisqu'il n'a pas d'entité, il n'existe pas. Le démon a dix têtes, ce qui représente les dix sens. Bien que vous soyez la réalité vous êtes entré dans le royaume de l'illusion, à cause de votre identification aux dix sens. C'est par la compréhension que vous pouvez tuer Ravana, c'est le seul moyen. Une flèche ne pourra jamais atteindre Ravana, parce qu'il est zéro, il n'y a rien dans le monde. Comment tuer le zéro ? Rama et Ravana sont un, mais Rama ne le sait pas. Ainsi c'est par la compréhension que vous retrouvez Sita, c'est à dire la paix. Vous avez perdu votre paix, et vous la retrouvez en vous tuant vous-même par la compréhension. Les dix sens sont l'amour de l'illusion qui vous empêche de vous connaître vous-même.

C'est le sens intrinsèque qu'il faut percevoir dans les livres de connaissance. Quand on dit que l'homme ressuscitera et que le Christ le conduira au royaume des cieux, cela ne veut pas dire bien sûr que le corps ressuscitera, mais que si vous comprenez que le Christ est en vous, vous êtes au paradis. Alors vous savez que vous-même êtes le roi des rois. Il est dit que tout ce qui brille n'est pas or, mais tout vous paraît réel. Allez à la source des choses, c'est ainsi qu'elles disparaîtront. Le monde n'est pas vrai, allez à la source ! On peut tuer le corps, mais le mental, comment le tuer ? Par la compréhension vous pouvez tuer vos pensées. Si vous comprenez votre âme, le pouvoir, l'ego disparaîtra automatiquement. L'origine de la pensée c'est l'ignorance, si vous comprenez cela, tout est néantisé. « Je ne suis ni ceci, ni cela », et ce qui est, est éternel. Ne soyez pas quelque chose, dès que vous voulez être quelque chose, c'est l'ego qui imprime sa marque et vous restez prisonnier d'un état. Soyez « rien » et c'est alors que la réalité est.

Pour exister, l'ego a besoin d'un état. Si vous vous maintenez dans le champ de la connaissance, l'ego y trouve une place, un soutien. Mais sans la connaissance, l'ego ne peut se maintenir et alors vous êtes la réalité. Quand la maison est détruite, que reste-t-il ? Les fondations. Quand tous les voiles sont enlevés, alors la réalité reste. Quand on vieillit, c'est seulement le corps qui vieillit. Le pouvoir ne vieillit pas. Vous ne mourez jamais, vous êtes vrai et éternel. Il n'y a ni naissance ni mort, ni péché ni vertu, ni joie ni peine. Dieu et sa création ne sont pas réels dès lors que la connaissance disparaît. Alors puisqu'ils ne sont pas vrais, laissez-les ainsi, pourquoi vouloir détruire ce qui n'est pas réel, ce qui n'est pas ? Ne vous inquiétez de rien, dites simplement « je ne suis pas le corps ».

Il n'y a donc rien à quoi l'on puisse renoncer, puisque ce n'est pas réel. Alors, rien ne peut vous toucher. Laissez toutes ces choses là où elles sont, mais n'y touchez pas ! Dès que vous touchez, l'attachement apparaît. Considérez le corps comme votre voisin et non pas comme vous-même. Vous êtes le pouvoir, vous n'avez pas de limites. Le corps n'existe que parce le pouvoir est là, et ce pouvoir n'a pas besoin des béquilles du mental. Pourquoi pleurer pour le corps ? Le pouvoir électrique s'inquiète-t-il quand une ampoule est grillée ? Soyez comme l'homme riche qui dit avec assurance, quand quelque chose est cassé : « Ne vous en faites pas, je peux la remplacer sans problème ». Quand vous avez la compréhension, vous ne craignez plus rien ; puisque rien ne se passe jamais, qu'y a-t-il à craindre ? Etes-vous responsable des problèmes de l'immeuble quand vous n'êtes que locataire ? La responsabilité incombe au propriétaire ; dès que vous dites « c'est ma maison », tous les ennuis sont pour vous ! Dites : « je ne suis pas le corps, je n'existe pas », et ainsi il n'y a ni moi, ni mien.

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