mercredi 5 septembre 2007

• L'essence du Dzogchen

Sources

Essence et pratique du Dzogchen - par Namkhai Norbu Rinpoché


"La signification du terme tibétain Dzogchen fait référence à l'état primordial véritable de chaque individu et non à une quelconque réalité transcendante. (...) lorsque nous sommes dans un état de vide sans perdre conscience, il y a une présence qui continue tout le temps, une présence qui est exactement la même dans l'expérience de sensation de plaisir. Cette présence est unique et au-delà de l'esprit. C'est un état non-duel qui est la base de toutes les formes infinies de manifestation, et afin de le trouver, la transmission directe du maître est indispensable. La pratique de Dzogchen est dite "au-delà" de l'effort et, en effet, il n'y a nul besoin de créer, de modifier, ni de changer quoi que ce soit, mais seulement de se trouver dans la véritable condition de "ce qui est", c'est à dire, le "non-corrigé", le "non-altéré", le "non-modifié".

Namkhai Norbu Rimpoché, Dzogchen - l'état d'auto-perfection, Editions Les Deux Océans, Paris, France.


La contemplation dans le Dzogchen - par Tenzin Wangyal Rinpoché


"Dans le Dzogchen, le terme "Nyamshag" (la contemplation) a un sens très précis : "la présence dans l'état d'inséparabilité de la clarté et de la vacuité". (...) Dans le cadre du Dzogchen, la méditation sur la vacuité du chemin des Sûtras et les pratiques de la voie tantrique, comme la récitation de mantras et la visualisation de déités appliquées pour obtenir l'unification de la vacuité et de la béatitude, sont des pratiques secondaires utilisées lorsqu'elles sont nécessaires. Ce que nous devons développer en tant que pratiquant du Dzogchen, c'est la contemplation de l'inséparabilité de la vacuité et de la clarté dans l'état naturel de l'esprit. Comme ils sont déjà inséparables, dans le Dzogchen, nous n'essayons pas de les unir comme le font les pratiquants des tantras, mais nous reconnaissons simplement leur indivisibilité. Les pratiques secondaires ne sont que des moyens habiles appliqués à ce développement. (...) Dans la pratique de concentration, un dualisme subsiste entre le sujet qui se concentre (fixant son objet) et l'objet de concentration (l'objet fixé), ainsi qu'entre l'intérieur (la conscience au sein du corps et de l'esprit du pratiquant) et l'extérieur (l'objet utilisé par la méditation). Mais dans la contemplation (Dzogchen), il n'y a ni sujet ni objet : c'est comme "verser l'eau dans de l'eau" (...), il n'y a plus là d'existence relative, la perception est directe, c'est celles des yogi. (...) Il suffit simplement de demeurer dans l'état de contemplation où intérieur et extérieur n'existent plus, lorsque s'élève la reconnaissance que toute réalité "extérieure" est une projection de l'état "intérieur". (...) La façon de comprendre est directe et la manière de demeurer dans l'état de contemplation est sans distinction, entre connaisseur et connu, sujet et objet. Cet esprit, qui, au-delà de tout esprit conceptuel, appréhende l'état naturel primordial est un esprit interne subtil, connu également sous le nom de "claire lumière" (claire désigne vacuité et lumière désigne la clarté de l'état primordial). (...) La relation que nous entretenons avec l'émergence des pensées est l'un des points cruciaux de la contemplation [Dzogchen]. En observant comment les pensées s'élèvent, demeurent et se dissolvent dans la vacuité, nous percevons leur nature véritable, vide : les pensées sont le mouvement de l'esprit et sont de même nature que l'esprit naturel, tout comme les vagues sont de la même nature que la mer. Lorsque les pensées surgissent dans l'état de contemplation, nous sommes conscients qu'elles s'élèvent de la vacuité et que leur essence à la nature de la vacuité. Elle ne nous dérangent plus et nous les laissons partir, restant dans l'équanimité de la contemplation. De cette façon, l'état naturel de la vacuité nous apparaît plus clairement quand dans notre expérience nous nous trouvons directement au contact de l'union et de l'identité de la clarté, Rigpa, et de la vacuité, Künshi, réalisant alors que la clarté et la vacuité sont inséparables au sein de l'état naturel. (...) Il ne s'agit pas d'un état aveugle dont les pensées seraient absentes. En fait, si l'état de calme sans pesnées que nous avons cultivé est prolongé au-delà de l'espace naturel qui existe entre deux pensées, on atteint un état d'ignorance et non de présence car, dans l'absence forcée de pensées, il n'y a que vacuité sans clarté, relaxation sans présence. Dans l'état véritable de contemplation, nous ne créons ni ne bloquons les pensées, mais, sans distraction, demeurons présents à tous les instants d'esprit, que des pensées y soient présentes ou non."

Tenzin Wangyal, Les prodiges de l'esprit naturel, Le Seuil, Point Sagesse, Paris, 2000.


La nature de l'esprit dans la tradition du Dzogchen - Par Namkhai Norbu Rinpoché


"Dans le dzogchen, on établit une distinction claire, nette et essentielle entre la nature de l'esprit et l'esprit, à savoir, les processus de nos pensées, le flux incessant des concepts discursifs qui nous occupent constamment. Si la nature de l'esprit est comparable à un miroir poli avec la plus haute finition, les pensées, les émotions, les impulsions, les impressions et les sensations individuelles ne sont que des reflets qui apparaissent dans ce miroir. Ce que le mot tibétain Rigpa (qui peut se traduire par « conscience en tant que telle », ou encore par « présence pure») désigne est comparable à la puissance inhérente au miroir de renvoyer l'image de tout ce qui est placé devant lui, les choses belles ou laides indifféremment. Le contraire de rig-pa, « conscience et présence», est ma-Rigpa, « ignorance», ou baisse de conscience. Lorsque nous sommes présents et conscients, nous avons le même statut, pour ainsi dire, que le miroir, alors que dans l'ignorance nous subissons le statut des reflets, nous nous trouvons dans la condition de ces reflets qui pensent que tout ce qui apparaît est substantiel et vrai. Avec la conscience en tant que telle, nous existons dans la condition de l'éveil; avec l'ignorance, nous nous retrouvons pris dans le cercle de la transmigration. L'état primordial ne désigne rien d'autre que la nature de l'esprit, telle quelle, laquelle transcende le temps et l'existence conditionnée. Dans le dzogchen, on estime que la « vue» est encore plus importante que la méditation. La vue désigne la façon de voir, ou d'envisager les choses, et « comprendre» ne se rapporte pas ici à la seule compréhension intellectuelle, ni aux connaissances dispensées à l'école ou dans les livres, mais à l'expérience effective de l'accès à la connaissance de la vue."

Namkhaï Norbu - Le cycle du jour et de la nuit L'essence du Dzogchen - Ed. JC Lattès 1998.


L'essence du Dzogchen - extrait d'une oeuvre de Patrul Rinpoché



"A nouveau, Rimpoché parla :
Vous, grands méditants, hommes ou femmes qui demeurez dans des retraites de montagne durant un nombre fixe d'années, écoutez un moment ce qu'un méditant vous dit.

Jusqu'à présent, nous avons tous tourné dans le grand océan de souffrance qu'est le samsara. Longtemps, nous avons expérimentés une souffrance très intense et nous avons erré à travers les six royaumes l'un après l'autre. Ainsi, nous avons dû endurer des souffrances inimaginables pour naître et mourir. Et la raison de tout cela est qu'à cause de notre ignorance, nous n'avons pas compris la nature de notre propre conscience éveillée. (...)

Certains grands méditants disent que la nature de l'esprit est difficile à saisir. Ce n'est pas difficile du tout. L'erreur, c'est de ne pas comprendre la méditation. Il n'est pas besoin de chercher la méditation et il n'est pas besoin de l'acheter. Il n'est pas besoin de la faire et il n'est pas besoin d'aller la chercher. Il n'est pas besoin de travailler à la méditation. Il suffit de demeurer dans l'état qui autorise la libre émergence de tout ce qui peut apparaître dans l'esprit. (...) Quoi qu'il survienne dans l'esprit, il suffit de demeurer sans artificialité, calmement et sans vaciller sur tout ce qui se produit. Joie et félicité viendront sans effort. Lorsque la pratique du Dharma semble difficile, c'est simplement le signe de nos propres fautes et souillures.

Certains grands méditants ne demeurent pas, comme cela est nécessaire, sur l'esprit lui-même mais recherchent inutilement l'esprit ici ou là. En regardant et cherchant de la sorte ici ou là, l'esprit n'est pas compris. C'est l'erreur de ne pas comprendre le sens réel. On n'a pas besoin de regarder et de chercher ici ou là. Demeurez simplement sur l'esprit qui regarde et qui cherche ici ou là. (...)

Toutes les pensées qui apparaissent en vous, bonnes ou mauvaises, subtiles ou grossières, quelle que soitla manière dont elles surgissent, sont l'énergie naturelle sans entrave de la conscience éveillée. Aussi ne cherchez pas de fautes. N'acceptez pas, ne rejetez pas. Maintenez sans saisie ce qui directement survient et se libère spontanément. Maintenez la simultanéité de l'émergence et de la libération.

Peu importe quelle sorte d'activité vous faites, agissez sans penser, avec aise et spontanéité. Sans saisir, demeurez détachés et libres. Sans fixer aucun objet, conserez la fluidité. Inné, s'écoulant, s'écoulant. S'écoulant, s'écoulant sans cesse. Restez détendus, dans la compréhension de l'absence de nature propre inhérente à toute chose.

Les yogis qui pratiquent cette conscience éveillée instantanée ont peu de besoins. Bien qu'il y ait de nombreux Dharmas à étudier, il n'est rien qui ne se ramène à la conscience éveillée. Aussi arrêtez les activités du Dharma et alors, la conscience éveillée instantanée devient très facile. Cela est très dangereux pour le Samsara. C'est le plus grand destructeur de la confusion. Cela mène rapidement à la bouddhéité et cela accomplit promptement notre propre bien et celui d'autrui. (...)

Connaissant ce point essentiel, vous devez être diligents dans la pratique de la conscience éveillée. La vie est facilement gaspillée en distraction, aussi est-il vital de se prémunir contre la distraction. Voilà tout ce que j'avais à dire"

Extrait d'un texte de Patrul Rimpoché, in La simplicité de la Grande Perfection, trad. James Low, Editions du Rocher (1994) 1998, pp. 125-129.

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