mardi 18 novembre 2008

• L'accueil de l'évidence - Wayne Liquorman


Le sage voit que tout ce qui est, littéralement, est ceci, car Dieu n’a aucune existence ou qualité séparée ou mesurable indépendamment de Ce qui Est. Le monde est Dieu rendu manifeste.

Cependant, vous avez dit plus tôt que… “Il y a Compréhension là, et il m’arrive de me fâcher.”

Il n’y a pas Compréhension ici ( pointant vers son corps ), il y a Compréhension là ( geste de la main entre lui et les participants ). La Compréhension n’est pas localisée au sein du corps. Elle n’est pas fixée dans le corps. La compréhension est transcendante. C’est ce que je ne cesse de souligner. La conception erronnée, c’est qu’il y a une personne illuminée, un individu illuminé. (chuchottant) : il n’est point de personne illuminée. Et pour en terminer avec votre question, “l‘état de fâcherie” est une réponse du mécanisme corps-mental.

Alors, il n’y a aucune alétration de la personnalité?

Cela peut se produire. Comme dans tout événement au sein du phénoménal, il peut y avoir modification de la personnalité. Il y a sans cesse des ajustements de la personnalité au sein des mécanismes corps-mental. Cela arrive tout le temps. Mais cela n’a, néanmoins, rien à voir avec la Compréhension.

Etes-vous en train de dire qu’il n’est point de personnes illuminées, mais qu’il est des êtres illuminés?

Vous êtes en train de couper les cheveux en quatre. Des cheveux sémantiques. (rire) Je ne cesse de mettre l’accent sur ce qui va à l’opposé d’une personnalisation de l’Illumination qui en ferait quelque chose pouvant être possédé par un individu. Aussi longtemps qu’il y aura un individu voulant la Compréhension, il ne peut y avoir de Compréhension.

Alors, si l’individualité n’est plus là il y a illumination dans cette personne, cependant…

Eh bien, c’est là où ça devient délicat, car après l’avènement de la Compréhension il demeure une personnalité. Même s’il ne s’agit plus, comme l’explique Ramana Maharshi, que d’une trace d’une corde calcinée avec laquelle rien ne peut plus être lié. Si quelqun appelle Ramesh par son nom, il se retourne car il y a une personnalité là. Il y a présence d’une identité dans la mesure où le mécanisme corps-mental porte le nom Ramesh. Mais il n’y a là aucun sentiment de quelque nature que ce soit que Ramesh est l’auteur des actions survenant à travers Ramesh, quelles qu’elles puissent être. Et naturellement, de façon corollaire, il n’y a pas non plus l’idée qu’un “autre” puisse être l’auteur d’aucune des actions survenant à travers lui. Il ya Compréhension que tout ce qui est, est Conscience.

A un niveau plus élevé embrassant le fait que la Conscience mène le jeu et accomplit toutes choses, y-at-il moins d‘émotion? Il m’apparaît que la teneur émotionnelle de la réponse à ce qui se présente serait moindre, commencerait à s‘émousser.

La réponse émotionnelle est une fonction caractéristique du mécanisme corps-mental. Certains mécanismes sont émotionnels par nature et ils réagissent fortement à ce qui se passe autour d’eux. D’autres sont quasiment imperméables à ce qu’ils voient, et demeurent impassibles pratiquement en toutes occasions. Et je dirais que le sage est plus en phase avec Ce qui Est dans l’instant, car il n’y a pas de filtre du genre : “Oh, il s’agit seulement du fonctionnement impersonnel de la Totalité. Tout ça n’est qu’une illusion.” Il n’y a pas d’intellectualisation à l’oeuvre dans l’instant présent du sage. Tous les aspects du rêve sont bien réels dans le contexte du rêve. C’est immédiat, c’est maintenant, et c’est une expression de la Conscience une. Par conséquent le sage n’opère pas ce genre de distinction : “Oh, la réalité suprême est Dieu ou la Conscience, et ce monde une pâle vallée de larmes impermanente ne valant pas la peine qu’on lui accorde une attention quelconque car ce qui est vraiment important, c’est Dieu.” Le sage voit que tout ce qui est, littéralement, est ceci , car Dieu n’a aucune existence ou qualité séparée ou mesurable indépendamment de Ce qui Est. Le monde est Dieu rendu manifeste.

Fondamentalement il y a juste une réaction du sage à ce qui se passe?

Oui, une action pure, immédiate, un agir pur . Voilà pourquoi, quand un peu plus tôt, quelqu’un me demandait : “Que faisiez-vous lorsque votre regard faisait silencieusement le tour de la salle?” La réponse exacte est que je ne faisais rien. Cependant il y avait ce qui se passait, quoi que ce fut, sans aucun sentiment : “je suis en train de faire cela.” ou “Je n’aurais pas du faire cela.” ou encore : “j’aurais dû le faire mieux.” (rire)

Il semble que celui qui serait détenteur de la Compréhension perdrait aussi son sens de la culpabilité, car il cesserait de s’approprier ses actions.

Il n’est pas de “celui” pour être détenteur de la Compréhension. La Compréhension qui survient à travers un mécanisme corps-mental est non seulement la compréhension qu’il n’est aucun agir personnel mais également qu’il n’est personne là pour posséder cette compréhension! Cette survenue impersonnelle s’accompagne pour la psyché d’un évanouissement de tout sentiment de culpabilité et d’orgueil. On peut dire qu’il y a là une véritable humilité. L’humilité véritable, c’est savoir que “je ne suis pas l’agissant.”

Lorsque survient la Compréhension, il me semble que le mécanisme corps-mental qui reste doit être emprunt d’une sorte de regard impersonnel. Ne perd-t-il pas tout intérêt pour les trivialités quotidiennes?

Qui serait laissé dépourvu d’intérêt? C’est le coeur de la question. Qui est ce “qui” auquel vous prêtez l’Illumination?

Intellectuellement je saisis parfaitement ce que vous voulez dire. Ce que j’essaie de souligner, c’est que le mécanisme corps-mental qui demeure après une telle survenue serait en proie à un profond boulversement dans sa façon de considérer le quotidien. Il semble qu’il devrait y avoir un effet sur notre façon de voir les choses. Je veux dire, comment prendre encore quoi que ce soit au sérieux?

La survenue de la Compréhension, – synonyme de la disparition de tout sens d’un agir personnel, – modifie-t-elle plus avant la programmation du mécanisme corps-mental à travers lequel Elle se manifeste? Ce n’est pas impossible mais il n’y a aucune règle attachée à cela. Nous pourrions dire que c’est affaire de destinée ou d’actualisation quantique. Ce qui est constant cependant c’est l’effacement au second plan du mental ratiocinant qui ne parasite plus les opérations du mental pragmatique et l’absence d’implication horizontale et de jugement. Cela peut bien sûr affecter le regard porté par un corps-mental sur ce qui l’entoure. Mais le mécanisme de sa réponse aux sollicitations va rester le même : si le mécanisme corps-mental est emprunt de sérieux, est attaché à certaines valeurs, il répondra en fonction de ses traits particuliers.
Il n’y a pas plus de choix opéré par le mécanisme corps-mental d’un jnani que par un mécanisme corps-mental en proie au sentiment d’un agir personnel. La seule différence, c’est que chez un organisme corps-mental à travers lequel ne s’est pas manifestée la Compréhension, il règne l’illusion d’une capacité de choix. Si votre question présumait que le jnani choisira d’agir différemment en fonction d’une connaissance neuve, il n’en est rien. Le jnani ne choisit pas: la réponse aux stimulis auxquels il se trouve exposé sera dictée par le même mécanisme qu’auparavant.

Est-il possible que le mécanisme corps-mental du sage se situe quelque part sur le bras du pendule plutôt qu‘être positionné en son axe?

Nous mélangeons ici les métaphores. Ce qui chevauche le bras du pendule, c’est le sens d’un agir personnel. Le mécanisme corps-mental, bien sûr, opère au sein du phénoménal et fait partie de l’ensemble du mouvement. En vérité, je n’avais encore jamais pensé à la chose sous cet angle, mais je suppose que vous pourriez dire que le mouvement du mécanisme corps-mental est le mouvement pendulaire — que c’est ce fonctionnement dans le phénoménal. Ce qui est absent chez le sage, c’est tout sentiment d’agir personnel. Ce n’est tout simplement pas là. Il n’y a donc rien pour s‘élever dans l’expérience d’une conscience des choses impersonnelles ou choisir dans l’expérience de l’implication. Ce n’est plus là, point.

Extrait de L’accueil de l‘évidence , P. 198-201 – Editions Accarias L’Originel.

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