samedi 3 mars 2012

• Le jardin de la non-connaissance - Rupert Spira

Vu sur le site de Laya (Perles de bonheur) : 

Que nous le sachions ou non, nous sommes toujours cette Conscience ouverte, libre et illimitée, et pourtant nous l’oublions parfois. C’est notre liberté d’oublier.

Une fois que nous avons oublié, aucune autre liberté n’est possible, sauf celle de nous souvenir.

Même si nous sommes toujours cette Conscience ouverte, libre et illimitée, il semble parfois que nous soyons limités. Nous nous sentons limités. La Conscience s’expérimente comme étant aliénée par sa propre projection.

Ayant projeté une limitation au sein de sa propre non-limitation, la Conscience s’identifie ensuite avec cette limitation. Elle oublie sa nature réelle. Elle « tombe » dans l’ignorance.

La Conscience sent alors que sa propre nature est en quelque sorte étrange, inconnue et non familière, qu’elle a été perdue et a besoin d’être trouvée, qu’elle a été oubliée et qu’il est nécessaire de la retrouver, qu’elle est ailleurs, autre et séparée.

La Conscience ne réalise pas qu’elle est précisément ce qu’elle cherche ; elle est déjà elle-même.

Elle ne voit pas clairement que la Connaissance de tout ce qui est connu dans l’instant est la connaissance d’elle-même.

Cependant, peu importe la profondeur de l’identification de la Conscience avec le fragment de sa création, peu importe l’importance de l’ignorance, et les pensées, les sensations et les activités qui en découlent, peu importe le succès avec lequel la Conscience se dissimule de sa propre nature, son souvenir d’elle-même est toujours plus profond que son oubli.

Il en est toujours ainsi, simplement parce qu’avant de sembler devenir autre chose qu’elle-même, la Conscience est toujours et seulement elle-même.

La Conscience est l’expérience première de toutes les expériences, quel que soit leur caractère particulier. C’est ainsi que la recherche d’elle-même, le désir de retourner en elle, d’y demeurer ne peut jamais être éteint.

C’est ironiquement, pour la même raison, que la recherche sera toujours sapée, car dès qu’il est compris que la Conscience s’expérimente toujours elle-même, il est aussi réalisé que la Conscience n’a nulle part où aller, et n’a pas de devenir.

Ainsi, du point de vue de l’ignorance, la recherche est le premier pas que la Conscience entreprend vers elle-même. Du point de vue de la Compréhension, la recherche est le premier pas de la Conscience l’éloignant d’elle-même. Dans les deux cas, la Conscience ne va nulle part.

Même lorsque la Conscience s’est voilée d’un habit de croyances, de doutes, de peurs et de sensations, le goût de sa propre nature illimitée, libre et sans peur est inscrit dans chacune des expériences, et ce goût est souvent expérimenté comme une sorte de nostalgie ou de désir profond.

Ce désir est fréquemment associé, à tort, avec un événement ou un moment de nos vies, le plus souvent l’enfance, lorsque tout, semblait-il, allait mieux, lorsque la vie était plus heureuse.

Cependant cette nostalgie n’est pas celle d’un état qui existait dans le passé, mais bien celle de la paix et de la liberté de la Conscience qui réside en deçà, et se trouve dans la profondeur de chacune de nos expériences actuelles.

Le « bonheur » qui était « alors » présent était simplement la présence non voilée de cette même Conscience, qui voit et comprend ces mots.

La Conscience projette cette expérience courante en dehors d’elle-même, puis elle se perd dans cette projection, dans le mental/corps/monde qu’elle a projeté à partir d’elle-même, et s’identifie avec une partie d’elle. C’est comme si elle disait : « Je ne suis plus cette Conscience ouverte, libre et illimitée. Je suis ce fragment limité que j’ai créé en moi. Je suis le corps. »

En agissant ainsi, la Conscience s’oublie. Elle oublie sa propre nature illimitée. Cet oubli est connu comme   « l’ignorance ». C’est la Conscience qui s’ignore elle-même.

La conséquence de cet oubli de Soi, c’est l’apparition de la nostalgie et le désir profond de la Conscience de retourner en elle, d’être libre. Elle ne réalise pas, pour le moment, qu’à chaque instant de ce voyage prodigue, elle n’est toujours qu’elle-même.

La méditation est simplement la libération de cette projection du poids de la séparation. C’est le « dé-nouement » de la contraction de soi, le « dé-tissage » de toute cette confusion.

Au lieu de concentrer son attention sur le fragment limité, sur l’entité séparée qu’elle avait crue être, la Conscience redirige sa propre attention sur elle-même, telle qu’elle est réellement. Elle retourne à elle-même, elle se rappelle elle-même.

Au lieu de projeter le monde en dehors d’elle-même, la Conscience le récupère et le ramène en elle.

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Extrait publié avec l'accord des Éditions Accarias-L'Originel

Les concepts abstraits du mental ne peuvent appréhender la Réalité même s’ils en sont une expression.

La dualité, la polarisation sujet/objet, est inhérente aux concepts du mental. Lorsque nous parlons du « corps » par exemple, nous nous référons à un objet, qui lui-même implique un sujet.  Si nous explorons cet objet, nous découvrons qu’il est non existant en tant que tel, et qu’il n’est en fait qu’une sensation.

Une « sensation », toutefois, est encore un objet et une exploration plus approfondie nous révèle qu’elle est faite de « ressenti », de quelque chose « de mental », plutôt que physique.

« Ressentir » à son tour se révèle être fait de « connaissance ». Si nous examinons celle-ci, nous constatons qu’elle est faite de conscience.

Si nous explorons la Conscience nous trouvons qu’elle n’a pas de qualités objectives. Elle est pourtant ce que nous nous savons être de plus intime.  Elle est ce que nous désignons par « je ».

Si nous explorons « je », nous trouvons qu’il est fait de…

Les concepts abstraits du mental s’effondrent ici. Ils ne peuvent aller plus loin. Il n’existe pas de mot adéquat pour désigner ce dans quoi le mental se dissout. Nous sommes arrivés à la totale simplicité de l’expérience directe.

Cette « dés-objectivation » est le processus de l’involution apparente par lequel « Ce qui ne peut être nommé » retire sa projection du mental, du corps et du monde, et redécouvre qu’il est l’unique substance de la totalité de l’expérience.

« Ce qui ne peut être nommé », le Vide Absolu dans lequel le mental s’effondre, se projette alors, à l’intérieur de lui-même, en suivant le même chemin d’objectivation apparente, pour recréer l’apparence du mental, du corps et du monde.

« Ce qui ne peut être nommé » et auquel pourtant on se réfère en tant que « Je », la Conscience, l’Être, la Connaissance, prend la forme de la pensée, de la sensation ou de la perception pour pouvoir apparaître en tant que mental, corps ou monde.

C’est le processus de l’évolution apparente par lequel « Ce qui ne peut être nommé » donne naissance au mental, au corps et au monde, sans jamais devenir autre chose que lui-même.

Ce processus d’évolution et d’involution est la danse de l’Unicité, « Ce qui ne peut être nommé » prend forme et se dissout, vibre dans chaque nuance de l’expérience, et se fond en lui-même, transparent, ouvert, vide et lumineux.

Le mental tente de décrire les modulations de cette vacuité qui se manifeste en tant que plénitude de l’expérience, et cette plénitude qui se reconnaît comme vide, sachant pertinemment que ce faisant, il tient une bougie dans le vent.

Le mental décrit les noms et les formes dans lesquels « ce qui ne peut être nommé » se réfracte, pour apparaître comme deux, puis plusieurs, de manière à ce que la Conscience/Être apparaisse comme la Conscience et l’Être.

En utilisant les mêmes noms et formes, le mental décrit le processus apparent par lequel « Ce qui ne peut être nommé » découvre qu’il ne devient jamais quoi que ce soit, qu’il n’est toujours que lui-même, lui-même et lui-même.

Chaque déclaration faite ici est vraie provisoirement par rapport à telle autre, mais erronée en référence à une autre. Elle n’est donc jamais absolument vraie.

L’objectif de chacune d’elles est d’indiquer la fausseté de la précédente, en attendant sa propre destitution.

Chacune est un agent de la Vérité, mais n’est jamais vraie.

Le mental, au sens large du terme* est fait de concepts et d’apparences.  Il ne cerne ni ne saisit jamais la Réalité elle-même.

Cependant, en parlant ainsi, le mental est utilisé pour évoquer plutôt que décrire l’expérience de la Conscience qui se connaît elle-même.
Ces évocations sont des expressions temporaires de « Ce qui ne peut être nommé », comme les fleurs qui éclosent un moment, et répandent le parfum de leur origine dans le jardin de la non- connaissance.

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* Le mot « mental » est employé de deux façons différentes dans ce livre. La première, comme dans cette phrase, comprend (a) penser et imaginer, (b) ressentir (qui se réfère aux sensations corporelles) et (c) percevoir (qui se réfère à la vision, l’ouïe, le goût, l’odorat et le toucher, par lesquels le monde est « connu »).  Dans ce cas, le corps et le monde sont compris comme des projections du mental.  La seconde se réfère seulement à penser et imaginer.  Dans la plupart des cas, le deuxième sens est employé, mais parfois le mot mental se réfère à son sens plus général.