mardi 27 octobre 2015

• Dialogues avec Suyin Lamour


Jean-Louis : Est arrivée une question sur le fait que je me pose un tas de questions : est-ce que toutes les questions doivent être abandonnées ? J'ai un grand besoin de comprendre intellectuellement et en même temps je sais que ce n'est pas par l'intellect que je trouverais quoique ce soit. Mais les questions sont là.

Suyin : Et bien, tu peux constater qu’en effet l’intellect est une machine à poser des questions, et que c’est sans fin. Il ne trouvera jamais satisfaction, car s’il trouve une réponse, une autre question arrivera. J’observe cela en moi et je m’en amuse. Les questions sont là ? Pas de problème avec ça ! Cherchons des réponses, laissons être ce qui est, mais sans s’illusionner sur la finalité. Comme tu le sais, ce n’est pas comme ça que l’on trouvera la plénitude, la paix. Une fois que cela est su, ça replace les phénomènes mentaux à une place plus juste, on n’en attend pas plus que ce qu’ils peuvent offrir. Mais cela peut être plaisant d’investiguer, d’interroger, d’analyser, d'essayer de comprendre… Pourquoi pas ! Comme de jouer à résoudre des énigmes, regarder un documentaire scientifique, lire un bon roman policier...
Si tu as un grand besoin de comprendre, ne lutte pas contre ça, observe simplement comment ça fonctionne, laisse être ce qui est. Et simplement, ne perds pas de vue que tu n'y trouveras qu'une satisfaction relative. La profonde satisfaction c'est de voir que nous ne savons rien et de nous reposer dans ce "je ne sais pas"...
J.L. : Que reste-t-il du toi d'avant depuis ton éveil ? As-tu gardé certaines caractéristiques ? Je ne cherche pas à garder l'ego mais il me semble que nous avons tous appris au cours de la vie, que nous avons fait des expériences, des rencontres, des pratiques etc : que tout cela n'est pas à jeter. Qu'en dis-tu ?

Suyin : L’impression que j’ai, c’est que je m’éloigne de plus en plus de la personnalité fabriquée par l’éducation et le besoin de reconnaissance et d’appartenance, et que je me rapproche de plus en plus de mes caractéristiques innées, celles qui font justement de l’organisme Suyin un être unique et original, comme toute chose qui existe à l’état naturel. Il n’y a pas deux flocons de neige identiques. C’est comme si je reprenais ma forme originelle de flocon unique, en perdant la forme qui tentait de se conformer aux autres.

Je crois que c’est cela que l’on perd, ce qui est du domaine de la construction sociale, de la persona. Mais notre parfum particulier reste et même s’amplifie.
Rien n’est à jeter. Il n’y a rien à forcer, à détruire, à éradiquer. Il y a des acquis qui restent, d’autres qui disparaissent, mais cela se fait tout seul. Je constate que ce qui vient des expériences passées a comme perdu sa densité, l’importance que j’y accordais en fait. Bien sûr il y a toujours des réactions conditionnées, mais quand elles sont vues, elles ne sont pas appropriées, saisies. Ça fait un truc du style : « ha tiens ça réagit encore comme ça ! Bon d’accord, c’est ce qui est ! » Et je ne m’y attarde pas plus que ça, alors qu’avant je cherchais à avoir une action dessus si c’était inconfortable. Maintenant j’accueille simplement et laisse passer.

Et pour les acquis qui me sont utiles et confortables, je vis avec tout simplement, mais toujours ouverte à la possibilité de les remettre en question et de les lâcher si les circonstances de la vie m’y invitent.

• Veuillez retrouver d'autres échanges avec Suyin Lamour sur son site.
Suyin Lamour est l'auteur du livre "La joie d'être".
Voir aussi cette page.